Montréal, 15 décembre 2004  /  No 149  
 
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COURRIER DES LECTEURS / READERS' CORNER
  
RÉFLEXIONS SUR LES ARMES
  
Re.: LES ARMES NOUS PROTÈGENT CONTRE LES CRÉATURES DE L'ÉTAT, le QL, no 104  
  
Bonjour,  
  
          Est-ce que Stefan Metzeler a vu Bowling For Columbine? Est-ce que Stefan Metzeler a entendu parler de cette « gentille/modèle » famille récemment anéantie par le fils de 14 ans? Je pense que la liberté sur les armes a un prix trop lourd... 
  
          Je continue à m'informer sur le pour et le contre, mais je suis étonné de voir que tant de mes collègues et amis sont en faveur des armes. Je fais avancer ma réflexion, on verra bien... Si vous connaissez d'autres pages que je devrais consulter, dites-le moi. Je vais regarder celles de Pierre Lemieux, on verra... 
  
          Bonne journée et bonne continuation. 
  
Frédéric Halfort
 
Réponse de Stefan Metzeler: 
  
Cher Monsieur, 
  
> Est-ce que Stefan Metzeler a vu Bowling For Columbine? 
  
          Je n'estime habituellement pas nécessaire de commenter un film de propagande, qui est rempli d'erreurs et de falsifications grossières et qui a été créé par un individu mentalement instable. Dans sa haine anti-blancs, qui semble se diriger principalement contre lui-même, il a totalement négligé de considérer la vraie nature des crimes violents aux États-Unis. Il n'a pas mis les pieds ne serait-ce qu'une fois dans les lieux où le plus de crimes sont perpétrés ni parlé aux gens qui en sont victimes. 
  
          Il n'aurait pas dû interroger Charlton Heston, mais les habitants de certains quartiers noirs de grandes villes comme Washington DC. Il aurait suffit qu'il consulte les statistiques du FBI pour constater que presque 50% des meurtres avec ou sans arme à feu sont commis par des noirs et que les victimes sont également majoritairement noires. En fait, la plus grande proportion des crimes violents sont perpétrés par 7.5% de la population américaine, c'est-à-dire par les hommes noirs entre 16 et 35 ans. Si on les enlève des statistiques, le taux de meurtre sur l'ensemble des États-Unis est très proche de celui des pays de l'Union européenne. 
 
          Il y a diverses raisons pour cet état de faits: 
  • depuis les années 60, les criminels noirs sont punis moins sévèrement par les juges, au dam des noirs honnêtes, qui n'ont jamais souhaité un traitement « préférentiel » pour les criminels qui hantent leurs communautés. C'est vrai malgré la forte proportion de noirs en prison, car ils n'y sont pas forcément pour longtemps, surtout quand ils ont commis des crimes graves;
  • les lois anti-armes ont depuis toujours eu une connotation raciste: les premières étaient passées par les États du sud principalement pour désarmer les noirs;
  • contrairement aux affirmations du menteur Moore, la NRA a pris la défense des noirs et s'est battue contre ces lois racistes depuis le début;
  • l'interdiction des armes bon marché (les « Saturday Night Specials ») empêche surtout les victimes potentielles pauvres de s'armer, pas les criminels;
  • la violence est particulièrement forte dans des villes comme Washington DC, parce que justement les armes y sont interdites.
          Les lois anti-armes sont généralement dirigées avant tout contre les pauvres et les classes moyennes, car les riches et les puissants (membres du gouvernement) sont protégés par des professionnels, forcément armés. Cette hypocrisie est vraiment frappante, quand une activiste anti-armes comme Rosie O'Donnell emploie un garde du corps armé. Pourquoi est-ce qu'une banque aurait le droit de défendre de l'argent avec des armes, mais des parents ne pourraient pas défendre leurs enfants tout aussi bien? 
  
          Si on ne devait appliquer qu'une seule mesure pour faire baisser la violence aux États-Unis, je conseillerais qu'on offre une arme à feu à chaque femme noire entre 16 et 40 ans. Quant aux jeunes hommes noirs qui s'entretuent, ce sont souvent des victimes de guerres de gangs. En tant que criminels connus, ils n'auraient pas le droit de posséder des armes selon les lois actuelles, mais manifestement, cela ne les empêche pas d'en avoir. 
  
          Je vous conseille également le site de www.blackmanwithagun.com. 
  
> Est-ce que Stefan Metzeler a entendu parler de cette « gentille/modèle » famille récemment anéantie par le fils de 14 ans? 
  
          Oui et c'est même arrivé à une famille suisse récemment: un garçon de 12 ans a tué ses parents. Je ne sais pas si la famille était « modèle », j'ai même de gros doutes, mais le problème n'était pas la présence d'une arme. S'il avait autant de haine contre ses parents, il les aurait peut-être attaqué à coups de couteau ou avec du poison, ce qui arrive plus fréquemment qu'on ne pense, mais ces cas sont rarement rapportés à grande échelle. De tels cas ne permettent pas de justifier des politiques restrictives anti-armes. 
  
          Si les armes étaient responsables des meurtres, les stylos seraient responsables des fautes d'orthographe. Prétendre que la présence d'une arme aurait déclenché de tels drames est absurde: il y a 3 armes par ménage en Suisse, en moyenne, plus qu'aux États-Unis, et pourtant seulement quelque 50 meurtres sont commis avec une arme à feu chaque année, ceci pour environ 12 à 18 millions d'armes au total. 
  
          C'est tout aussi absurde que d'affirmer que les jeux violents auraient induit les tueurs de Columbine à commettre leur crime: dans le monde entier, ces jeux sont joués par au moins 300 à 600 millions de personnes. Pour établir même une corrélation marginale, il faudrait qu'au moins 1% des joueurs deviennent violents, ce qui n'est manifestement pas le cas – ça représenterait 3 à 6 millions de cas par année. 
  
          Il est évident que parmi les criminels violents, on trouvera des types dont la famille avait toujours des armes et d'autres qui jouaient à Doom. Le contraire serait étonnant. La moitié des ménages américains possèdent des armes et bien plus que 50% des jeunes jouent à Doom & Cie. On pourrait aussi bien affirmer que l'eau mène au meurtre, car tout meurtrier a bu de l'eau dans sa vie avant de commettre son crime. 
  
          Les gens tuent depuis la nuit des temps. En fait, la violence était bien plus grande avant 1900 qu'après. Le risque de mourir de mort violente a diminué significativement durant le 20e siècle, malgré les 2 guerres mondiales. Autrefois, le parricide était aussi fréquent que l'infanticide, une chose plutôt courante. On a tendance à l'oublier. 
  
> je pense que la liberté sur les armes a un prix trop lourd... 
  
          Comparé à quoi? Thomas Jefferson n'était pas naïf, il savait très bien que les imbéciles existent et que certaines personnes abusent des armes, déjà à son époque. Mais il estimait ce risque comme clairement inférieur au risque d'une dictature violente. 
  
          Je vous conseille un tour sur le site de Jews for the Preservation of Firearm Ownership, qui documente que de nombreux cas d'interdiction et de confiscation d'armes ont été suivis par des génocides, comme en Arménie, sous Hitler, Staline, Mao, Pol Pot et Castro, au Rwanda, etc. Au total, ces violences étatiques contre des populations civiles sans défense ont provoqué plus de 250 millions de morts. Imaginez donc qu'il faudrait plus de 25 000 ans aux criminels américains pour commettre autant de meurtres à arme à feu. 
  
          En Angleterre, suite à l'interdiction totale des armes, la violence a grimpé sans cesse. L'Europe a dépassé les États-Unis depuis longtemps au niveau des crimes violents, hormis les meurtres. En France, c'est devenu très courant que des criminels s'introduisent dans l'habitation de personnes âgées et les torturent, parfois pendant plusieurs jours, pour leur extorquer des informations sur des objets de valeur cachés ou des codes de cartes bancaires. 
  
          En Suisse, une nouvelle loi interdit le port d'arme sans permis (qui est quasi impossible à obtenir) depuis 1999. Sur 5 ans, la criminalité violente a augmenté de 80%, comme moi et d'autres personnes pro-armes l'avaient anticipé et contrairement aux affirmations des anti-armes, qui prétendaient que la nouvelle loi ferait diminuer la violence. Quand on se trompe, on cherche à comprendre ses erreurs: Errare humanum est, perseverare diabolicum. 
  
          Il est bien évident que les activistes anti-armes sont idéologiquement et politiquement motivés. Ils n'ont pas un seul argument en leur faveur. Dans aucun cas, l'interdiction d'armes a fait diminuer la criminalité, nulle part dans le monde. Le cas le moins défavorable semblait être celui de la République d'Ireland, où les armes sont généralement interdites depuis 1972 et où le taux d'homicide n'est que de 1 pour 100 000. Ce qu'ils oublient d'ajouter, c'est qu'avant l'interdiction, le taux était 2x plus bas, à 0.5 pour 100 000. Le taux de meurtres a donc doublé et est resté à ce niveau beaucoup plus élevé. 
  
          Finalement, vos collègues et amis me semblent bien renseignés et très raisonnables. Je pense que plus vous étudierez le sujet, plus vous les comprendrez. 
  
          Avec mes meilleures salutations, 
  
S. M. 
 
  
  
  
UN CONSEIL DE L'ÉGALITÉ OU DE L'INUTILITÉ?
  
  
          Le gouvernement provincial jongle actuellement avec la possibilité de créer un Conseil de l'égalité hommes-femmes. Il est assez surprenant qu'un l'État aussi fortement endetté que le nôtre s'apprête à investir des millions de dollars pour un tel organisme, alors que toutes les lois, de même que la Charte des droits et liberté assurent à tous les citoyens la pleine égalité, peu importe la couleur de leur peau, leur orientation sexuelle, leur religion, etc. Nous n'avons plus les moyens, comme petit peuple, de soutenir toutes sortes d'organismes, toutes sortes de programmes, qui, en fait, n'ont servi qu'à déresponsabiliser et à infantiliser la population. L'État est devenu une sorte de grosse maman dont les mamelles financières servent à nourrir une multitude d'organismes qui prétendent venir en aide à une pléthore de pauvres victimes.  
  
          La création de victimes en série est devenue une habile stratégie orchestrée par de puissants lobbys afin de se payer des voyages d'étude à l'étranger, de publier des rapports, des enquêtes, des études, d'organiser des événements, qui ne serviront qu'à mieux vider les poches du simple citoyen québécois. 
  
          Le misérabilisme et la victimisation des individus sont devenus une véritable entreprise de suçage de deniers publics par des supposés experts, des intervenants et des organismes qui savent très bien comment jouer avec les sentiments et le culpabilité publique. Le plus triste, c'est qu'ils lancent toutes sortes de demi-vérités, des slogans, des statistiques bidon, organisent des marches de solidarité, des shows médiatiques qui, le plus souvent, ne reposent sur aucune conclusion scientifique sérieuse. 
  
          Le phénomène de la violence en est un bel exemple. Il est charrié à toutes les sauces, alors que le Québec vit, actuellement, toutes les statistiques policières le prouvent, une des périodes les moins violentes de toute son histoire. Le Québec est une oasis de paix que bien des terriens envient. Et pourtant... on ne cesse de nous casser les oreilles avec la violence alors qu'elle n'est, en fait, qu'un phénomène marginal gonflé outrageusement par les médias qui en font leur pain quotidien. Nous ne sommes tout de même pas en Irak ou en Palestine! 
  
          Nous sommes un peuple de bébés gâtés qui, à la moindre frustration, à la moindre contrariété, au moindre petit bobo, demande immédiatement l'aide de MAMAN-ÉTAT. Infantilisme chronique entretenu, soutenu, favorisé par toutes sortes d'organisations, de conseils de ceci et de cela, spécialisés dans l'art de jouer les Mère Thérésa. Manigance fort payante qui, malheureusement, coûte très cher à la collectivité et prive d'aide les véritables victimes. Je pense en particulier aux québécois âgés en perte d'autonomie, ces êtres silencieux, oubliés, qui auraient bien besoin de finir leurs jours dans une certaine sérénité, eux qui ont été les artisans de notre « bien-être » actuel. Mais, la cause des vieux ce n'est pas très payant. C'est pas mal moins spectaculaire et ça ne fait pas une aussi belle manchette qu'un tueur en série!... 
  
          La dette publique est catastrophique et risque d'hypothéquer gravement l'avenir de nos enfants. Il est grand temps que l'État mette la hache dans des organismes créateurs de fausses victimes et mise sur le sens des responsabilités des citoyens. Il faut qu'il cesse d'entretenir cette mentalité de dépendance chronique qui contribue à créer des individus qui s'écrouleront devant le moindre obstacle. La vie est difficile pour tout le monde. Le Paradis terrestre n'existe pas et n'existera jamais. 
  
          La création d'un Conseil de l'égalité constituera un véritable gaspillage de deniers publics. La triste expérience de certains conseils étatiques actuellement en place forts influents, devrait inciter nos décideurs politiques à mieux utiliser à l'avenir l'argent du peuple. 
  
Jean-Pierre Gagnon
pédagogue
  
  
  
  
RELATIONS HOMME-FEMME: UN ÉQUILIBRE À ATTEINDRE
 
Re.: HALTE À LA VIOLENCE DES FEMMES!, le QL, no 148 
 
          Il est vrai que nous les hommes, n'avons plus le droit à notre testostérone et à notre masculinité. Il est vrai que depuis la venue du féminisme, souvent approprié par des frustrées, on assiste à la castration du mâle en Amérique du Nord et à sa féminisation. Il est aussi vrai que bien des femmes sont disculpées automatiquement dans bien des cas comme lorsque l'homme pouve qu'une femme l'a fait coffré suite à tissu de mensonges et que ce dernier n'est même pas capable de porter plainte pour méfait public. Une femme peut crier après un enseignant parce qu'elle est insatisfaite d'un traitement verbal qu'il a administré à son fils mais si le père allait crier après une enseignante qui aurait commis la même incartade auprès de son fils, il serait foutu! 
  
          Cependant, si on part avec le principe que la vérité n'est jamais située que d'un seul côté et si on s'arrête une minute aux besoins de la femme, et si on se met à compter tous les hommes qui sont capables de comprendre leur besoins ou sont disposés à essayer de les comprendre, on aura trop de nos dix doigts pour faire la somme. Oui je blague un peu mais... pas tant que ça. Les hommes ne font pas le quart de ce qu'il faut faire pour séduire une femme. Denzel Washington, dans le film John Q, dit à son fils: « Tu devras toujours traiter les femmes comme des princesses. » Combien d'hommes le font ou essaient de le faire? Quelle est la vraie signification de cette expression? 
  
          Je ne jette pas la première pierre à tous les hommes, car bien des femmes sont d'une cruauté exceptionnelle lorsque mises en situation de défensive ou vont sciemment préparer un plan de destruction du conjoint en inventant une fausse histoire de pédophilie sur ses enfants pour le faire condamner, mais il faut comprendre que la psychologie féminine, les besoins défensifs d'une femme et ses attentes ne concordent que très rarement avec ceux des hommes et à ce moment-là, la discorde s'installe et mène le couple droit vers des situations pernicieuses et intempestives. 
  
          Si un homme considère la femme selon une philosophie phalocrate, il n'a qu'à rester célibataire et à se satisfaire de temps à autre. Si un homme a été éduqué et a grandi avec une mégère et mesquine contrôlante qui surprotège au lieu d'éduquer et écouter, il devrait savoir qu'il part avec 10 longueurs derrière car il est potentiellement misogyne de base ou apte à le devenir. Si un homme est élevé par un homme malade et violent, il devrait faire un examen de conscience et se demander s'il n'aura pas tendance à faire de même avec sa future partenaire. 
  
          Il y a effectivement un équilibre à atteindre et cet équilibre est bien loin dans certains cas. Autant on n'a plus droit à notre identité masculine, autant les mystères entourant la personnalité féminine sont incompris et rejetés par beaucoup d'hommes. 
  
Patrice Juneau
  
  
  
  
L'ART A PLUSIEURS NIVEAUX DE LECTURE
  
Re.: DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON, DE B.-M. KOLTÈS: SCHIZOPHRÉNIE SOCIALISTE, le QL, no 123 
  
Monsieur, 
 
          Je voudrais vous dire qu'il est particulièrement triste pour vous de réduire l'art, sans essayer de le comprendre, à des théories purement pratiques sur l'économie. Il est encore plus triste de vous voir totalement perdu dans un monde du concret, du palpable, de l'empirique. Il est dommage pour vous de croire qu'une oeuvre d'art vise à développer un seul thème... de signifier une chose. Il me semble que vous essayez de vous rassurer de cette manière, mais, malheureusement, comme ça vous vous privez de beaucoup de plaisir. 
  
          Je suis jeune, sans doute bête et sans expérience, mais ou moins je ne crois pas vivre dans la rationalité instrumentale dans laquelle vous semblez vivre. 
  
          Je vous souhaite d'aller mieux. 
  
Merci. 
  
PS: J'ai oublié, avant de parler d'une maladie mentale, telle que la schizophrénie, s'il vous plaît, ayez la gentillesse de vous renseigner de sa symptômatologie. La schizophrénie ne se réduit pas à un dédoublement de la personnalité. 
 
Maria
étudiante
  
Réponse de François-René Rideau: 
  
Chère Maria Srodkova, 
  
          Merci d'être concernée par mon article. Votre courrier soulève des points intéressants, qui méritent une réponse. 
  
          Tout d'abord, je voudrais souligner que mon article n'a pas du tout pour objet de dénigrer l'appel à l'émotion, loin de là. Bien au contraire, si vous le relisez, vous verrez qu'il est une célébration de la fraternité humaine, telle que réalisée dans une société où les interactions volontaires sont libres et les interactions coercitives bannies. Là où Koltès voit dans toute appartenance sociale une aliénation, là où il crie son désespoir de toute interaction positive entre les hommes, là où il voit dans chaque autre personne un ennemi irréductible, j'offre au contraire l'espoir de l'harmonie entre les intérêts humains, je désamorce la folie misanthrope qui suit nécessairement une conception du monde comme guerre de tous contre tous, et je propose en lieu et place une vision de la société comme essentiellement pacifique et amicale, qui par la coopération créatrice affranchit l'homme de ses chaînes matérielles et lui permet de s'élever vers des aspirations plus hautes. Cela peut ne vous paraître rien, mais quant à moi, c'est le sentiment le plus haut que je puisse imaginer. Ensuite, l'émotion n'est pas bonne en soi. 
  
          Au risque d'invoquer la loi de Godwin, je rappellerai que les odes à Staline de Pablo Neruda, les photographies à la gloire du nazisme de Leni Riefenstahl, peuvent avoir une grande valeur esthétique, et susciter de grandes émotions et pourtant être au service des causes les plus nauséabondes. Et les vagues d'émotion par lesquelles ces causes ont manipulé les masses sont tout sauf une caution morale. Comme je le précise dans ma conclusion, les émotions peuvent être mises au service du mal autant que du bien. J'ai beaucoup apprécié la représentation de la pièce de Koltès, et je suis désolé si j'ai pu donner l'impression que j'aurais été insensible aux émotions suscitées par cette mise en scène. Mais être sensible n'empêche pas d'être critique. Au contraire, être sensible implique de s'engager, et l'engagement porte en soi la responsabilité de choisir le bien, de ne pas se mettre au service du mal. 
  
          Comment donc faire la différence entre le bien et le mal? Comment savoir de quel côté s'engager? Comment savoir si les émotions sont utiles ou trompeuses? C'est là qu'intervient la raison. La raison n'est pas, comme vous semblez le supposer, un froid ennemi opposé à l'émotion. (Pas plus qu'elle ne s'identifie à l'empirisme comme vous le suggérez.) Elle est au contraire l'outil majeur au service de nos émotions, qui nous permet de trouver les moyens de réaliser nos aspirations, d'éviter les pièges qui nous mènent à agir au contraire de ces aspirations, et résultent en davantage de frustration, de misère, de souffrance. C'est la raison aussi qui nous permet de faire la part des choses, d'apprécier les cantates de Bach sans tomber dans la bigoterie catholique ou de savourer les symphonies de Chostakovitch sans devenir un communiste fervent. C'est la raison enfin qui nous permet de comprendre et résoudre les contradictions entre nos aspirations, qui sinon nous jettent dans la folie et l'autodestruction. 
  
          J'espère avoir éclairci ma démarche auprès de vous, et je serais heureux si à défaut de partager mes conclusions, vous vouliez bien tout au moins agréer la nature de cette démarche, motivée tout d'abord par le sentiment de fraternité entre les hommes. Quant aux autres symptômes de la schizophrénie, hallucinations, sentiment d'aliénation, délire de persécution, etc., je laisse chacun décider si oui ou non on les retrouve dans cette pièce de Koltès et dans la mythologie socialiste; il me semble que oui, mais je ne pense pas qu'il soit essentiel d'amender l'article pour lui ajouter une section pour l'argumenter. Toutefois, votre remarque est judicieuse, et je vais rajouter une note de bas de page dans la version que je publie sur mon site. 
  
          En vous remerciant à nouveau de l'intérêt que vous avez porté à mon article. 
  
F.-R. R. 
  
  


  
  
À LA DÉFENSE DE CANELLE, L'OURSE
 
Re.: SCANDALE EN FRANCE! READ ALL ABOUT IT!, le QL, no 148 
  
          Pas d'accord du tout avec M. de Poncins! Cette ourse était la dernière femelle survivante de l'ours autochtone et elle n'avait point été importée. Le chasseur qui se dit avoir été menacé n'aurait pas du être là, car un avertissement avait été lancé. Je ne suis pas un écolo intransigeant ni même un écolo au sens actuel du terme (s'il peut avoir un sens), mais je crois tout à fait ridicule de considérer que bergers et brebis ne peuvent cohabiter avec une ou deux dizaines d'ours qui menacent rarement l'homme et croquent peu de brebis (les chiens errants en tuent infiniment plus: 80000 par an dans les Alpes françaises), le coût avancé pour ces survivants me paraissant très largement exagérés. Il y en a bien plus en Espagne… 
  
          Lorsque j'étais adolescent et que je séjournais dans une colonie de vacance à Sainte-Marie-de-Campan, non loin de l'endroit où Canelle a été tuée, nous allions disputer aux ours les fraises des bois à proximité du col d'Aspin et nous en avons aperçu un qui ne se souciait pas de nous. Nous n'étions pas effrayés le moins du monde. Il y a sans doute bien des sujets dramatiques pour lesquels nous devons nous mobiliser, mais l'un n'empêche pas les autres. Il est certain aussi que nos élus sont prompts à réagir, parfois exagérément à cause des media, mais cela c'est un autre problème. 
  
Jacques Colombani
 
  PRÉSENT NUMÉRO
 
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