Québec veut stimuler le mécénat dans les arts | Version imprimée
par Gilles Guénette*
Le Québécois Libre, 15 février
2013, No 308
Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/13/130215-2.html


Plusieurs études le confirment année après année: les Québécois sont les moins généreux au pays. Que ce soient l'Institut Fraser, Épisode, BMO Banque privée Harris ou Statistique Canada qui le disent, les résultats sont les mêmes: c'est au Québec qu'il se donne le moins d'argent à des organismes de charité. Le don annuel moyen au Québec est de 208 $ alors qu'il est plus du double (446 $) dans le reste du pays. Et ce sont les ménages gagnant 100 000 $ et plus ‒ une catégorie peu nombreuse au Québec... ‒ qui donnent le plus. C'est pour remédier à cette piètre performance que le gouvernement Marois annonce vouloir stimuler le mécénat.

En effet, on apprenait le mois dernier que le nouveau gouvernement péquiste souhaite stimuler les dons philanthropiques dans le domaine des arts de la part d'individus et d'entreprises. Mais pour tenter de mieux comprendre ce qui fait en sorte que l'on donne moins ici qu'ailleurs, il a annoncé ‒ en direct du magnifique Pavillon Claire et Marc Bourgie du Musée des Beaux-arts de Montréal ‒ la mise sur pied d'un groupe de travail sur la philanthropie culturelle.

Pour l'instant, la première ministre Pauline Marois estime que le contexte particulier dans lequel a évolué le Québec n'est pas étranger à cet état de fait: « Disons-le, nous avons été une société pauvre pendant des décennies. C'est depuis la Révolution tranquille qu'est apparue une classe d'affaires avec un peu plus de moyens, ce fameux Québec inc. (...) Alors il faut comprendre qu'il y a du rattrapage à faire. »

Mais rattrapage ne signifie pas nécessairement désengagement. Le gouvernement québécois a « le devoir » de soutenir le milieu culturel, a précisé le ministre de la Culture, Maka Kotto, sous un tonnerre d'applaudissements... Surtout que comme le soulignait récemment l'organisme Fondations philanthropique du Canada, qui regroupe 110 fondations canadiennes, seulement 8 % des dons étaient versés au domaine des arts en 2010 (c'est autant que pour les causes environnementales).

Ce qui est le plus étonnant, c'est que le Québec, selon le ministre des Finances du Québec, Nicolas Marceau, offrirait « les avantages fiscaux les plus généreux au Canada afin d'encourager les donations privées »! Malgré cela, la province traîne toujours de la patte en ce qui a trait au montant des dons versés.

L'une des façons mise de l'avant par Québec pour stimuler le mécénat culturel est le programme Mécénat Placements Culture. L'année dernière, la ministre de la Culture de l'époque, Mme Christine St-Pierre, annonçait « une réussite exceptionnelle du programme »: « Les résultats démontrent un engagement significatif du secteur privé dans la culture, comme nous le souhaitions à son lancement en 2005. Le programme a permis de soutenir 429 campagnes de financement qui permettront d'ajouter plus de 71 M$ aux actifs des 271 organismes qui les ont réalisées. »

J'avais qualifié des plus intéressantes l'initiative dans les pages du QL lors de son lancement, ajoutant qu'elle le serait d'autant plus si elle était accompagnée d'un retrait progressif de l'État du secteur culturel. L'État devrait effectivement mettre en place des mécanismes qui vont favoriser le mécénat et l'émergence de fondations privées. Congés de taxes, déductions fiscales, on peut encourager le développement de la culture sans avoir à investir des fonds publics.

Mais il semblerait, selon les propos du ministre des Finances, que de tels mécanismes existent déjà au Québec et que malgré tout, les Québécois ne donnent pas.

Comment expliquer qu'à une époque où les arts et la culture occupent une place toujours grandissante dans nos vies, le secteur privé ne flaire pas davantage la bonne affaire? Comment expliquer qu'avec toute la visibilité ‒ ou le prestige, dans certains cas ‒ que génèrent les manifestations culturelles (pensez aux très populaires et nombreux festivals, aux expositions-événements des musées, aux films ou téléséries à succès...), des mécènes n'investissent pas plus le domaine?

On peut spéculer sur les raisons derrière ce manque d'intérêt:

1) Les différents paliers de gouvernements s'en chargent, pourquoi le ferions-nous?
2) On risque de se faire critiquer sur la place publique par l'élite culturelle en poste qui n'en a que pour les arts « libres », donc subventionnés.
3) On ne tient pas à être associés à ce qui se crée ici comme produits culturels.
4) On ne voie pas les bénéfices qu'on pourrait en retirer.
5) On est surtaxés, donc moins d'argent à donner.

La première ministre Marois et les membres de son groupe de travail devraient méditer sur ce dernier point. Plutôt que de répéter que « nous avons été une société pauvre pendant des décennies », ils devraient se rendre à l'évidence: le fait que nous soyons les plus taxés en Amérique du Nord a peut-être bien plus quelque chose à voir avec le fait que nous sommes ceux qui donnent le moins!

Si l'État n'avait pas le nez fourré dans tous les secteurs de la société (avec les coûts que cela entraîne) et nous laissait un peu plus d'argent dans nos poches, peut-être serions-nous plus motivés à en donner et à nous impliquer. Si les fardeaux fiscal et réglementaire des entreprises n'était pas aussi les plus importants en Amérique du Nord, peut-être resterait-il des fonds aux entrepreneurs pour financer les organismes culturels.

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* Gilles Guénette est titulaire d'un baccalauréat en communications et éditeur du Québécois Libre.