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					Contre l'abus de fiscalité, 
				indignez-vous!* | 
				 
			 
			
			
				
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		Le Figaro : Expliquez-nous ce qu'est exactement le consentement à l'impôt... 
		 
		Pascal Salin : Le principe selon lequel les citoyens sont censés 
		accepter volontairement la taxation est à l'origine même du 
		parlementarisme. Pour limiter le pouvoir absolu du monarque, on a décidé 
		que l'impôt devait être consenti par la représentation nationale; ainsi 
		la fiscalité a-t-elle joué un rôle historique dans notre système 
		politique. Le paradoxe est qu'on l'a considérée comme trop élevée sous 
		la monarchie alors qu'elle était assurément bien plus faible qu'elle ne 
		l'est actuellement. Depuis, la fiction du consentement à l'impôt est 
		devenue un tabou qu'on a du mal à mettre en cause – et pourtant il le 
		faut, dès lors que le consentement ne saurait logiquement être compris 
		qu'au niveau individuel. L'impôt est prélevé de manière obligatoire et 
		le consentement est un mythe puisque ce qui est décidé par une majorité 
		est censé être l'expression de la société tout entière. 
		 
					 Or, les vigoureuses réactions suscitées par les excès de fiscalité, ces 
		derniers mois, ont montré le caractère illusoire du principe. La 
		démocratie peut en effet se muer en tyrannie: ainsi, 8 010 foyers 
		fiscaux ont payé en impôts l'an dernier plus de 100% de leur revenu 
		fiscal de référence de l'année 2011! 11 960 foyers ont été imposés à 
		plus de 75% et 9 910 à plus de 85%. Cet état de fait a suscité l'ironie 
		du nouveau ministre du Budget alors qu'il était interpellé par des 
		députés de l'opposition: « Ces privilégiés sont aux contribuables ce 
		que les poissons volants sont aux espèces marines: ils ne constituent 
		pas la majorité du genre », propos assez mal venu au regard de ce que 
		l'on peut désormais qualifier d'esclavage fiscal. Un esclave devant 
		donner la plus grande partie de ses forces et de son temps, on ne 
		saurait lui reprocher de n'être pas solidaire de son mauvais maître et 
		de vouloir lui échapper. 
		 
		Ainsi en est-il de l'exil fiscal auquel de nombreux « esclaves fiscaux » 
		doivent malheureusement se résoudre, et leur décision est légitime. On leur reproche un manque de patriotisme, mais au nom de quel patriotisme 
		faudrait-il accepter la spoliation? Les processus institutionnels 
		faisant fi de l'élémentaire justice à l'égard des citoyens, tout en 
		portant atteinte à l'économie du pays, l'idée du consentement à l'impôt 
		ne peut qu'être remise en cause. Il est affligeant que la France se 
		retrouve dans une situation où les plus courageux et les plus novateurs 
		n'ont d'autre solution que la fuite. Le véritable manque de patriotisme 
		économique est celui des autorités publiques, qui détruisent les êtres 
		humains et la nation par une fiscalité excessive. 
		 
					
		Comment définir l'année que nous venons de passer sur le plan fiscal? 
		 
		C'est l'annus 
		horribilis avec pour 
		seul avantage une prise de conscience croissante, mais dont on ne peut à 
		ce jour préjuger des conséquences. On peut faire une comparaison: 
		malgré des signes avant-coureurs, personne n'avait prévu la chute 
		précipitée de l'empire communiste. On savait que le système était voué à 
		l'échec, et soudain la situation s'est cristallisée. En ce qui concerne 
		la France, on observe un malaise généralisé dont le président de la 
		République paye actuellement le prix en termes de popularité, malaise 
		qui a trait aussi bien à la gestion du pays qu'aux réformes sociétales. 
		Le thème spécifique de l'excès de fiscalité est devenu acceptable, alors 
		qu'il eût été difficile de l'aborder avant l'arrivée au pouvoir des 
		socialistes. Même si elle était extrêmement lourde, la fiscalité 
		française était souvent considérée comme juste; or nous voici à un 
		point de rupture. 
		 
					
		Il n'a pas fallu attendre l'élection de François Hollande pour que la 
		France soit l'un des pays du monde où la fiscalité est la plus élevée… 
		 
		Et pour que l'impôt soit concentré sur peu de personnes, car il 
		est aisé de trouver une majorité pour brimer une minorité! La 
		justification de la progressivité de l'impôt vient de là: on prétend 
		agir pour la justice fiscale, alors qu'on ne fait qu'aggraver le vice 
		intime du mythe du consentement à l'impôt. 
		 
		Quelques éléments me frappent particulièrement depuis l'accession au 
		pouvoir de François Hollande. Tout d'abord, la guerre contre ceux que 
		l'on appelle « les riches », lesquels s'étendent désormais aux classes 
		moyennes, avec les conséquences dramatiques d'un exil qui ne concerne 
		plus seulement quelques grosses fortunes, mais une masse de jeunes qui 
		vont construire leur avenir ailleurs. L'exploitation d'une minorité par 
		une majorité au nom de la redistribution est une hypocrisie doublée 
		d'une absurdité. Non seulement elle tue tout espoir d'avenir pour tous 
		ceux qui veulent entreprendre et progresser, mais la majorité censée en 
		profiter n'y gagnera rien à moyen et long terme. On oublie trop souvent 
		que les êtres humains sont interdépendants et qu'on ne saurait spolier 
		certains, sans que finalement l'ensemble de la société n'en subisse les 
		répercussions négatives. Il est dans l'intérêt des salariés qu'il y ait 
		le plus possible de capitalistes innovateurs et entrepreneurs. 
 
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					 « L'exploitation d'une 
					minorité par une majorité au nom de la redistribution est 
					une hypocrisie doublée d'une absurdité. Non seulement elle 
					tue tout espoir d'avenir pour tous ceux qui veulent 
					entreprendre et progresser, mais la majorité censée en 
					profiter n'y gagnera rien à moyen et long terme. »  | 
				 
			 
			
			
				
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		Cette évidence, on refuse de la voir pour des raisons idéologiques; 
		mais il ne faut pas s'étonner que depuis l'arrivée au pouvoir de 
		François Mitterrand, notre taux de croissance ait chuté, tandis qu'en 
		parallèle s'accroissaient les prélèvements obligatoires sur certaines 
		catégories. La droite n'est d'ailleurs pas pour rien dans cette dérive, 
		que le gouvernement actuel a dramatiquement aggravée. Aujourd'hui, ce 
		sont les forces vives de la société qui sont atteintes. 
					 
					
		Comment expliquez-vous que la droite ne soit jamais franchement revenue 
		sur l'ISF, tout comme elle n'a jamais abordé de front les 35 heures?  
		 
		La droite française manque malheureusement de conviction et de 
		courage. Nous vivons dans le cercle vicieux d'un pays centralisé où la 
		mauvaise éducation économique de gauche comme de droite est confortée 
		par un pouvoir qui n'ose prendre le contre-pied des idées reçues, issues 
		d'un post-marxisme plus ou moins implicite, obsolète, mais toujours 
		présent, et qui exerce un tel magistère intellectuel qu'aucun politique 
		ne se décide à faire campagne sur des thèmes radicalement différents. On 
		conserve les réflexes archaïques de lutte des classes, où le capitaliste 
		ne serait qu'un exploiteur dont le salarié devrait se protéger. Ces 
		balivernes sont reçues même à droite, laquelle, face à la gauche, en est 
		réduite à ne pratiquer que la litote et la « sous-enchère ». 
					 
					 
					Quand les 
		socialistes avancent une ineptie économique, la droite n'ose pas en 
		prendre le contre-pied et elle opte pour la modération: « Oui, 
		d'accord, mais à condition de ne pas aller trop loin… » C'est ainsi que 
		les 35 heures ont été élevées au rang d'une conquête sociale à laquelle 
		il ne fallait surtout pas directement toucher. De même pour l'ISF, impôt 
		stupide, inefficace en termes de revenus pour l'État, et économiquement 
		contre-productif, dont la suppression radicale aurait été vécue comme 
		une profonde injustice et une atteinte au fameux principe d'égalité. 
		Ainsi avons-nous (pour caricaturer un peu, je vous l'accorde), un 
		socialisme de gauche et un socialisme de droite. Le pire est de songer 
		qu'en privé, nombre de politiques de droite sont lucides sur les mesures 
		à prendre… 
		 
					
		On vous sent prêt à appeler à la révolte… 
		 
		Intellectuellement, oui. Car nous marchons sur la tête et nous 
		sommes victimes d'erreurs destructrices. Ainsi en est-il, par exemple, 
		du dogme selon lequel il serait bénéfique de stimuler la consommation 
		pour relancer la demande, alors que l'épargne serait nocive. Qu'est-ce 
		que l'épargne, pourtant, sinon l'accumulation de capital, moteur du 
		progrès économique et, par conséquent, du pouvoir d'achat des salariés? 
		Or, le gouvernement ne cesse d'alourdir l'impôt sur le capital sous 
		prétexte d'égaliser la fiscalité du travail et du capital, lequel était 
		déjà surtaxé du temps de François Fillon. On a donc eu droit à 
		l'augmentation du taux de l'ISF, au durcissement des successions, à 
		diverses autres mesures hostiles (par exemple, la suppression des 
		prélèvements libératoires sur les dividendes et les intérêts). Résultat: l'investissement faiblit. Le capital s'en va. 
		 
		Que faire, dans cette situation? Certains pays ont connu des mouvements 
		de révolte, ce fut le cas à l'époque de Reagan, on l'a vu également en 
		France dans les années 50 avec Pierre Poujade. Une révolte contre 
		l'esclavage fiscal serait souhaitable, mais sous quelle forme? Encore 
		faut-il que chacun se sente concerné, car une grande partie de l'impôt 
		demeure cachée. Les gens n'ont pas conscience de le payer, tant il est 
		diffus: la CSG est prélevée à la source, de même que les cotisations 
		sociales, ou indirectement, de manière indolore: TVA, TIPP ou droits de 
		douane.  
					 
					Qu'y a-t-il de visible actuellement dans le système fiscal 
		français? Essentiellement, l'impôt sur le revenu, l'ISF et les droits 
		de succession, qui représentent une faible partie de l'ensemble des 
		contributions. Les gens passent donc chaque jour à la caisse sans le 
		savoir. C'est l'une des grandes mystifications de l'État – et c'est bien 
		cela qui devrait soulever les populations contre lui: on ne sait pas ce 
		que l'on paye pour ce que l'on a, alors que dans un contrat privé, on 
		sait très bien ce que l'on a pour ce que l'on paye. 
		 
		L'État maintient l'illusion perpétuelle d'une providence quasi gratuite 
		(sauf pour quelques « privilégiés »): ainsi, le ménage français, qui 
		n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu, a l'illusion que l'État est 
		gratuit! Les hommes politiques jouant là-dessus, on peut craindre qu'il 
		n'y ait jamais de vraie réforme fiscale, et cela d'autant plus que le 
		système mis en œuvre depuis 2012 par les socialistes est complexe et 
		imprévisible. Ils multiplient les petits impôts spécifiques, augmentent 
		un taux par-ci, créent une exonération par-là, ou bien encore un 
		plafond, si bien que François Hollande – qui se prononçait deux ans 
		avant la présidentielle pour une mise à plat de la fiscalité et une 
		drastique simplification – gère désormais le pays avec une 
		extraordinaire opacité. Plus personne ne s'y retrouve. Cela absorbe 
		l'énergie des gens, en particulier dans les entreprises, pour qui c'est 
		un casse-tête. 
		 
		L'incertitude est devenue la règle, avec des propositions d'impôts qui 
		ne sont pas toujours retenues, un désordre des plus destructeurs, lequel 
		montre bien le contraste entre les actions de l'État et celles des 
		individus. Les individus dans leur vie privée établissent des contrats 
		qui les engagent et qu'ils respectent, alors que l'État a la possibilité 
		de faire n'importe quoi n'importe quand. De l'aléatoire et de 
		l'arbitraire comme manière de gouverner… La révolte ne pourrait donc 
		survenir que de la part de ceux qui voient l'atteinte qu'ils subissent, 
		ainsi que l'aberration économique dans laquelle le pays est conduit. 
		Mais ceux-là sont considérés comme des privilégiés. 
		 
					
		Indignez-vous! disait l'autre…  
		 
		Oui, tout comme, par exemple, les Pigeons qui ont fait front contre la 
		taxation des plus-values de cession, indignez-vous et, surtout, 
		opposez-vous à une fiscalité injuste et destructrice!
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