Montréal, le 2 mai 1998
Numéro 9
 
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OPINION
 
DOIT-ON CASSER
MICROSOFT?
  
Par Francis Tourillon*
  
  
          De nos jours, il est difficile de trouver une opinion partagée par la quasi-totalité des gens de la planète. Pourtant, je suis classé parmi les ultra-extrémistes dans le cas du « quoi faire avec Microsoft ». 
 
          Jim Barksdale, de Netscape, a été convoqué devant le comité judiciaire du Sénat, à Washington. Il a demandé aux sénateurs de lever la main s’ils possédaient un ordinateur personnel. La majorité des mains se sont levées. Il a ensuite demandé à ceux qui avaient un système d’exploitation livré avec le fureteur Internet Explorer de garder la main levée. Aucune n’est descendue. « Ceci », a-t-il dit, « est un monopole ».  
 
          D’après mon dictionnaire Larousse, monopole nous vient du grec monos (seul) et pôlein (vendre). Est-ce que Microsoft avec son Internet Explorer est le seul vendeur dans ce domaine? Si c’est du fureteur dont il est question, il n’est pas à vendre mais offert gratuitement sur internet. Si c’est du système d’exploitation dont il est question, on me dira peut-être que de moins en moins de gens achètent Macintosh ou OS/2.  
 
          Je ne nierai pas les volumes de vente respectifs, là n'est pas la question. Soit dit en passant, savez-vous que Netscape pour OS/2 est gratuit pour les utilisateurs de ce système d'exploitation (contrairement à la version Windows) et qu'il est même le seul fureteur toujours en développement sous cette plate-forme? N’est-ce pas là aussi un monopole?
 D'un monopole à l'autre 
  
          Faut-il faire la différence entre un monopole légal et un de fait? Un monopole de loi est justifié, du moins aux yeux de ceux qui l’instaurent par le vote qu’ils ont reçu de la majorité des citoyens. L’individu moyen d’aujourd’hui semble mieux accepter un monopole qu’il a institué par procuration (que je suis tenté de comparer à un chèque en blanc), qu’un monopole pour lequel il a directement pu exprimer son appui ou son désaccord en exerçant sa liberté de consommateur. 
 
          Là où nous allons nous entendre, c’est que Microsoft n’a pas toujours été gentil. Il a su imposer avec un peu d’arrogance une interface graphique, des couches de communication (logiciel internet, réseau local), un logiciel de courrier et de fax, des utilitaires systèmes (défragmentation, compression)… Mais pour qui a-t-il été méchant? Pour nous, qui étions dans l’obligation de nous procurer séparément un système d’exploitation, une interface graphique, un ensemble d’accès à internet et un logiciel de fax? 
 
          Des centaines de compagnies sont mortes ou ont souffert de l’arrivée de MS-DOS6 puis de Windows. Vous êtes devant votre ordinateur en ce moment. Êtes-vous malheureux de ce que vous avez? Pour le prix que vous avez payé? 
 
           J’entends déjà dire qu’un jour, Bill Gates décidera du poste de radio ou de télévision que je devrai écouter. Jusqu’à aujourd’hui, même si d’autres fabricants offraient à la pièce certains logiciels plus performants ou plus avancés, Microsoft a réussi à imposer ses logiciels bien souvent car dans l'ensemble, ils constituaient le meilleur choix. Peut-on vraiment croire que cela va continuer sans que ce soit le meilleur choix pour le consommateur? 
  
Qui bénéficierait d'une division? 
  
          Supposons que le gouvernement adopte une loi pour diviser Microsoft en deux: MS-système d’exploitation et MS-applications. Il est certain que plusieurs autres grosses entreprises vont en profiter: Netscape, Borland, IBM, Novell,… Est-ce une façon d’encourager l’innovation? Ou de remplir la chronique des Prix Béquille? Dans quel monde voulez-vous vivre? 
 
          Je ne peux pas être un Québécois libre sans avoir le choix de la langue d’affichage de mon entreprise. Par contre, je suis un peu libre car j’ai le choix de mon système d’exploitation PC et de mon fureteur. Le fait de forcer Microsoft de dissocier fureteur et système d’exploitation ou de scinder la compagnie en deux ne me rendra pas plus libre et ne me protégera de rien. Jusqu’à maintenant, cela n’a fait qu’augmenter les frais d’exploitation de Microsoft et enrichir des avocats américains de millions de dollars. Cela retarde la sortie du nouveau Windows98 et d'autres produits, qui eux vont sans doute nous apporter quelques profits supplémentaires. C’est pour cela que nous allons les acheter. 
 
          Je vais vous révéler mon secret. Si un jour Microsoft devient l’incarnation du diable qu’on nous promet et qu’elle nous impose malgré notre volonté des logiciels qui ne répondent plus à nos besoins et/ou qui sont hors de prix, je serai un des premiers à sauter sur mon clavier et à réunir quelques-uns des meilleurs cerveaux que je connaisse pour pondre un logiciel qui aura de bonnes chances de percer. Dites-vous bien que ce jour-là, plus je serai libre, mieux je pourrai bâtir une équipe et des logiciels extraordinaires, sans obstacles gouvernementaux pour me freiner. C’est vous qui allez en profiter et c’est de cette façon que vous êtes le mieux protégés! 
 
 
 
(*) Francis Tourillon est conseiller en intégration de logiciels à Montréal. 
      tourf@cam.org

  
 
 
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