Montréal, le 1er août 1998
Numéro 17
 
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LA CORRESPONDANCE
VIRTUELLE 
DU MINISTRE 
PIERRE BÉLANGER
  
           Notre chroniqueur Pierre Lemieux attend toujours une réponse à sa lettre du 13 janvier 1998 adressée au ministre Pierre Bélanger. Il lui demandait alors de quel droit les policiers ont pu forcer des gens à quitter leur demeure pendant la tempête de verglas. 
          Entre-temps, dans un effort pour comprendre la psychologie étatiste, il nous offre un échantillon des réponses possibles du ministre.   
  

  
 

    Gouvernement du Québec 
    Le Ministre de la Sécurité publique 
    pierre.belanger/depute/pq@assnat.qc.ca
    

  
  
Québec, le 30 juillet 1998 
  
Monsieur Pierre Lemieux 
C.P. 725, Tour de la Bourse 
Montréal, Qué. 
H4Z 1J9 
  
 
  
Monsieur,
          Je vous prie d’abord de pardonner mon retard à répondre à votre lettre du 13 janvier. À cause des néolibéraux (je me demande bien qui ils sont), le retrait de l’État nous impose des réductions de personnel qui expliquent ce malheureux délai. 

          Vous me demandiez ce qui justifie la police de forcer les gens à quitter leur demeure à l’occasion de sinistres. La réponse est simple: c’est parce que nous avons la force de notre côté. Secret de polichinelle: exception faite de mes problèmes avec ma secrétaire, le retrait de l’État n’est qu’une apparence et un leurre: la preuve en est que la police pénètre dans les maisons dites privées. 

          Mais connaissant votre intérêt pour les idées, je ne me contenterai pas de cette réponse facile et j’ajouterai que l’utilisation de la force est dans le meilleur intérêt de tous nos assujettis. Le simple fait de forcer les gens à se réfugier dans nos centres d’hébergement apporte de l’eau au moulin de la solidarité sociale. La mentalité de réfugié, l’habitude des papiers d’identité, le respect du règlement, la reconnaissance béate, la promiscuité, le serrement des coudes, les odeurs d’aisselles québécoises, le contact avec les travailleurs sociaux, la dépendance satisfaite, tout cela ne peut que favoriser la discipline sociale (« les normes sociales qui s’installent dans une société », comme dit mon collègue de la Santé) et mieux préparer nos assujettis à supporter les queues collectives dans les salles d’urgence et les autres bureaucraties de notre État national et social. 
 
          Je terminerai en paraphrasant Pierre de Ronsard – ce Gilles Vigneault du 16e siècle dont un de nos cégeps m’a fait connaître l’oeuvre – dans un pastiche que j’applique à notre maîtresse collective, la société québécoise: 

          Donc, si vous me croyez, Bobonne, 
          Tandis que votre âme frissonne 
          En sa bleue nationalité, 
          Cueillez, cueillez notre caresse 
          Comme à votre vie les flicesses 
          Feront ternir la liberté. 
  
          Je vous prie, Monsieur, de croire à mes sentiments très philosophiques et poétiques. 
 

Le Ministre de la Sécurité publique 
 
Pierre de Bélanger 
  
 
    Copie conforme: M. le Président de l’Académie Canadienne-Française 
 
 
 
 
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