Montréal, 19 février 2000  /  No 56
 
 
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     LE QUÉBÉCOIS LIBRE publiera toutes les lettres pertinentes. N'oubliez pas d'écrire vos nom et lieu de résidence. We also accept letters in English.
 
COURRIER DES LECTEURS
  
LA PENSÉE SCLÉROSÉE
  
          Félicitations pour votre site et les idées que vous y défendez. Je les partage depuis plusieurs années bien que je ne veuille pas en faire une idéologie et que j'insiste surtout, dans certains écrits, sur une autre forme d'asservissement, celle de la pensée sclérosée par les dogmes et en particulier les dogmes religieux.  
  
          L'exercice d'une pensée libre et critique est un apprentissage de tous les moments et on ne peut, comme vous le dites si bien, être heureux et responsable dans une société où l'individu est laissé pour compte.  
  
          Salutations! 
  
Yvon Dionne
St-Damase-de-L'Islet, Qc
 

 
  
POURSUIVRE LE GOUVERNEMENT
  
Bonjour, 
  
          J'ai bien aimé l'article sur les compagnies de tabac (voir TABAC: QUAND ON VEUT TUER SON CHIEN..., le QL, no 55). Si les compagnies de tabacs sont responsables de nous avoir vendu un produit dangereux pour la santé et qu'on doit les poursuivre, on devrait prendre un recours collectif contre les gouvernements qui ont laissé (et qui le laisse encore d'ailleurs) le dit produit dangereux en vente libre. Ils connaissent les études qui démontrent que la cigarette est dangereuse et ils ne l'interdisent pas de vente! 
  
Gilles Poirier
Laval
 


 
 
TOUSSER ET PÉTER AU CLSC
  
          Si vous allez dans un établissement du système de santé, faites attention pour ne pas tousser ou péter. Non, sérieux...  
  
          Je dis ça parce qu'aujourd'hui je reçois une lettre d'un des cancrelats de fonctionnaires de la régie régionale qui s'excuse parce que, dans une correspondance antérieure, la date était erronée. Ces blaireaux ont fouillé dans ma correspondance privée pour m'exclure pour 25 ans d'un groupe communautaire en santé et ils écrivent sur un ton tout à fait cordial: « Vous priant de nous excuser pour cette erreur, recevez, Monsieur, l'expression de nos sentiments les meilleurs. » Il n'y avait pas de menaces dans ma lettre, rien que des idées. Mais voilà la régie régionale et ses dépendances (diverses tables de concertations, etc.) ne sont pas assez sécurisées pour tolérer des idées.  
  
          N'allez pas tousser à coté d'eux autres ils vont penser que leur job est en jeu. Ils se protègent tellement entre eux, c'est rendu ridicule. Par exemple, les tables de concertation d'organismes communautaires c'est supposé défendre le communautaire, l'autonomie du communautaire etc. Mais quand quelqu'un dans un groupe communautaire, supposons un usager, a une idée et l'exprime, il y a un gros bouton rouge qui s'allume à la régie régionale une sonnette se fait entendre et on téléphone aux tables de concertation pour engager à gros frais la présidente et le vice-président de ces tables pour aller faire une job de bras et clairer la place. Je sens que vous ne me croyez pas.  
  
          Essayez, toussez ou péter un peu dans le prochain CLSC où vous irez. 
  
Denis Mercier
St-Nicolas
 


    
 
LA DÉMOCRATIE: UN JEU D'ADULTES
  
          Depuis l'élection du gouvernement de coalition incluant l'extrême-droite en Autriche, on peut assister à de nombreuses scènes de protestation un peu partout à travers le monde. 
  
          On se rappelle entre autres, l'élection d'Adolf Hitler (Eh oui, Hitler a été ÉLU chancelier en Allemagne) et tout ce qui s'en est suivi. 
  
          De voir des pays voisins menacer de rompre les liens avec l'Autriche, je peux comprendre (après tout, un pays étranger est un partenaire potentiel, et nulle loi peut obliger un État à faire affaire avec son voisin). Après tout c'est une des façons de manifester son désaccord, mais de voir des AUTRICHIENS protester, j'ai beaucoup de misère à l'avaler. 
  
          Car, après tout, il s'agit ici d'une ÉLECTION! Aux dernières nouvelles, il n'y a pas eu de fraude électorale lors de ce scrutin. Et ce n'est pas un coup d'État non plus. Si les Autrichiens ont quelqu'un à blâmer, ils n'ont qu'à se regarder dans un miroir. ILS ont voté pour Jorg Haider. Personne ne les a forcé à voter pour l'extrême-droite. Ils ont cru aux discours puérils de cet imbécile? Qu'ils vivent avec les conséquences maintenant (du moins jusqu'à la prochaine élection). 
  
          Car la démocratie, si belle soit-elle, est un jeu d'ADULTES. Les électeurs sont responsables de leur choix. À ce que je sache, il faut être majeur et vacciné avant d'avoir le droit de vote, eh bien qu'on agisse en conséquence. 
  
          D'ailleurs, pas très loin de l'Autriche, il y a un autre grand pays, la France, où le risque existe... Un certain M. LePen réussit bon gré mal gré à récolter son 15% d'appui chez les électeurs français... Vous direz que ces temps-ci, il est en perte de vitesse, mais malgré tout, le Front National a bien réussi à récolter 5 ou 6 préfectures municipales (vous m'excuserez, mais vivant de l'autre côté de la grande mare, je ne suis pas au faît de l'actualité politique française) en tenant toujours le même maudit discours borné. Attendez-vous d'avoir votre Haider vous aussi? 
  
...« Plus jamais! » qu'ils disaient? 
  
Normand Martel
St-Hubert, Qc
  
Réponse d'Olivier Golivaux: 
  
Monsieur Martel,  
 
          Permettez-moi de vous répondre, puisque vous faites référence à la situation française. 
  
          Un petit détail pour commencer: il n'existe rien en France du nom de « préfecture municipale ». Les Préfectures sont des administrations déconcentrées de l'État central. Le Préfet est, à l'échelon d'un département, le représentant du gouvernement. Il lui est hiérarchiquement soumis. La municipalité désigne au contraire le Maire et ses adjoints, c'est-à-dire l'exécutif d'une administration décentralisée (la commune), non soumise au pouvoir hiérarchique des hommes de l'État central. Ne mélangeons donc pas les cliques. Les victoires électorales du Front National se situent dans ce cadre communal. 
  
           Comme vous, je m'inquiète de ce genre de succès. Les idées crasses semblent malheureusement avoir encore un bel avenir en marketing électoral. Mais je ne vous rejoindrai que sur ce seul point. En effet, au-delà même de la question de savoir si Haider est un homme d'extrême-droite ou non (voir aussi UN AUTRICHIEN À MONTRÉAL, DEMOCRACY OR HYPOCRISY IN OUR TIME? et HAIDER SANS FILTRE), votre discours est marqué fondamentalement par une grave erreur. Il s'agit de l'idée toute démocratique que l'issue d'une consultation électorale (i.e le choix de la majorité) est le choix de tous, ou du moins, comme vous le dites, des adultes majeurs et vaccinés.  
  
          Mais les gens qui sont dans les rues pour manifester ne sont pas les mêmes que ceux qui ont voté pour Haider. L'Autrichien collectif ne peut pas se regarder dans un miroir, si ce n'est le miroir aux alouettes de la démocratie. Je ne pense pas, dans le même ordre d'idées, que les électeurs français qui avaient voté pour d'autres partis furent puérils lorsqu'ils manifestèrent à Vitrolles, Marignane, Toulon ou Orange contre l'équipe du FN nouvellement élue. « Ils » n'avaient pas cru aux discours lamentables de B. Megret, J. M. Le Chevalier, J. Bompart & cie – ils avaient avalé d'autres couleuvres, mais pas celles-là. « Ils » ont le droit légitime de se rebeller, autant que la prudence et le courage le permettent, contre les conséquences du choix des autres qui s'imposent à eux par la loi du nombre. Et « ils » peuvent le faire sans attendre la prochaine échéance électorale, sans que leur comportement soit inconsistant ou puéril.  
  
          Dans mon village, le FN réalise de bons scores. Si la Mairie « tombait » aux mains des hommes du FN, je ne vois pas pourquoi je devrais vivre avec, en la fermant jusqu'aux prochaines élections; d'autant plus que je fais partie de cette large portion de la population adulte et vaccinée qui ne joue pas au jeu électoral du tout. Entre les non-votants et les électeurs des partis vaincus, c'est même carrément une majorité d'adultes à qui le choix de certains s'imposent. 
  
          Comme vous le relevez avec justesse, Hitler a été élu chancelier. Des gens comme Hans Kelsen (philosophe) ou Carl Schmidt (publiciste) affirmaient que « la législation nazie était bien le droit, qu'on le déplore ou non ». Une autre manière de dire que les gens n'avaient qu'à la fermer, du moment que les procédures en vigueur avaient été respectées. Vous ne dites pas autre chose, au fond. 
  
          La démocratie n'est pas un idéal politique. La liberté, si. La liberté des gens vous préoccupe? Faites descendre la démocratie du piédestal sur lequel vous la placez et mettez-y la liberté. 
  
Salutations respectueuses, 
  
O. G. 
  


    
 
SUBIR LA NON-REDISTRIBUTION
  
Monsieur Masse,  
  
          Je suis toujours stupéfait de lire de pareils propos sur le livre-échange (voir À BAS L'OMC, VIVE LE LIBRE ÉCHANGE!) qui peut vous sembler attrayant en théorie mais qui ne ferait qu'accentuer encore davantage l'écart entre les riches et les pauvres de cette planète. Accoler des étiquettes à des groupes tels que socialistes, anarchistes ou libéralistes n'a jamais convaincu personne qu'il soit à gauche ou à droite.   
   
          Votre soi-disant théorie économique contemporaine est plutôt l'idéologie dominante de la haute finance (qui par du lobbying à coup de million$, essaie de subordonner et relativiser les gouvernements élus démocratiquement) sous-tendue par des théoriciens d'une école de pensée se rattachant à Milton Friedman (l'école de Chicago); supposément objectives et quantitatives, ces théories économiques ne relèvent pas d'une science exacte mais plutôt d'une perception individualiste de l'existence humaine.  
  
          Durant mes études de deuxième cycle en gestion, j'ai eu la chance d'avoir des professeurs qui prônaient les théories néo-libérales et d'autres qui les rejetaient; chacun ayant les arguments pour nous convaincre de leur position. Mais ce n'est que dans la vraie vie que l'on peut mieux se positionner à propos du développement.   
   
          Présentement, je vis en région et subis comme mes concitoyens ruraux les pratiques non redistributives des gouvernements esclaves de politiques orientées par l'impérialisme américain (dictature du marché). Dans le futur, je n'aimerais pas léguer à mes enfants une région devenue une jungle où les plus forts de la ville viennent passer leurs vacances en campagne à regarder les plus faibles se tirailler entre eux. À mon avis, c'est davantage dans la voie d'une véritable démocratie des citoyens avec un gouvernement au service du peuple (ce qui est différent d'une bureaucratie occidentale) que nos sociétés pourront évoluer vers un meilleur partage de la richesse.  
 
Daniel Bilodeau
Trois-Pistoles
 
Réponse de Martin Masse: 
  
Monsieur Bilodeau, 
 
          Je trouve que Milton Friedman et l'École de Chicago sont en effet de bons défenseurs du libre marché et du capitalisme, mais parmi les différentes écoles qui partagent ces idées, je m'inspire plutôt de l'École autrichienne représentée notamment par Mises, Hayek et Rothbard.  
  
          La perception individualiste de l'existence humaine n'est en effet pas une « science exacte » comme vous écrivez, au même titre que la physique ou les mathématiques, et ce parce que le comportement humain est en partie imprévisible; mais c'est tout de même la seule perspective juste et pertinente en sciences humaines. Seuls les humains pensent, désirent, délibèrent, communiquent et agissent. Les comportements et actions de groupe ne sont que l'addition des comportements et actions d'une multitude d'individus.  
  
          Si vous rejetez cette explication, c'est que vous partagez, comme la plupart des apprentis sorciers qui sévissent dans nos écoles et nos universités, le point de vue collectiviste selon lequel les groupes (classes, nations, ethnies, communautés sexuelles, etc.) sont les seules entités pertinentes, alors que les individus n'existent qu'en tant que pions qui en en font partie. Que vous aimiez ou non les étiquettes, cela vous place en bonne compagnie avec les socialistes, communistes, fascistes, nationalistes, et autres collectivistes.  
  
          Pour conclure, j'ai été renversé par ce magnifique exemple de Novlangue, lorsque vous écrivez que vous « subissez » les pratiques non redistributives des gouvernements. D'abord, c'est complètement faux, les gouvernements n'arrêtent pas de transférer des milliards en subventions inutiles dans les régions. Mais plus fondamentalement, en admettant que vous ayez raison, qu'est-ce donc que le gouvernement vous « force » à faire en ne volant pas l'argent d'autres contribuables pour le redistribuer chez vous? N'est-ce pas plutôt ceux qui paient qui « subissent » quelque chose, nommément la coercition fiscale de l'État? Ce commentaire est d'une absurdité patente. Je me demande si c'est dans vos études de gestion ou dans la « vraie vie » que vous avez appris de si mauvais arguments pour justifier le parasitisme régional.  
    
          Bien à vous,  
  
M. M.  
  


    
 
UN COMMERCE ÉQUITABLE ENVERS QUI?
  
          Je vous écris pour vous faire part d'une sérieuse incompréhension vis-à-vis le commerce équitable exprimée dans votre Prix Béquille (voir Béquille d'argent, le QL, no 31).  
  
          Premièrement, je dois vous indiquer que le commerce équitable n'est pas un système qui permet aux producteurs de « se faire exploiter par leur gouvernement » comme vous affirmez. Au contraire, le café équitable, par exemple, est produit par des producteurs associés en coopérative. Ils ne font donc pas affaires, (contrairement aux producteurs indépendants) avec les exportateurs, souvent très intimement liés au gouvernement. En vendant directement leurs produits à un marché de consommateurs socialement responsables, il obtiennent un meilleur prix. Avec le commerce équitable, ils se libèrent de l'exploitation de l'élite locale (propriétaires terriens et gouvernement). Le commerce équitable est ainsi une alternative à l'aide étrangère.  
  
          Votre analyse limitée est donc complètement erronée. En vous efforçant de chercher dans tout projet social les défauts que comporte l'intervention de l'État, vous vous attaquez aux valeurs même qui supportent votre thèse de liberté individuelle. 
  
          De plus, aucun pays développé ou en développement n'a haussé son niveau de vie sans que le gouvernement intervienne dans l'économie. Les Américains, les Japonais, le Coréens ont tous été interventionnistes. Mais ceci est une autre discussion. 
  
          À l'avenir, assurez-vous de ce que vous affirmez et développez vos arguments. Aucun mouvement social, de droite ou de gauche, n'atteindra ses objectifs par des déclarations sans fondements. Et surtout, viser (et ridiculiser) des individus de la fonction publique peut être utile pour passer un message mais, quand vous mentionnez une personne d'un OSBL, ceci est de très mauvais goût. 
  
François Meloche
chercheur, Toronto
 
Réponse de Martin Masse: 
  
Monsieur Meloche, 
 
          Vous avez sans doute raison de dire que les propriétaires terriens, dans bien des pays d'Amérique du Sud, sont appuyés par le gouvernement dans leur exploitation des paysans locaux. Il n'est pas question pour nous de défendre ce genre de situation de type féodal, qui n'a rien à voir avec le capitalisme et le libéralisme. Mais voilà, chaque fois qu'on voit à la télé des membres de la petite clique subventionnée qui fait la promotion du « café équitable », ce sont des critiques contre le capitalisme et le « néolibéralisme » qu'on entend.  
  
          Dans une société vraiment libre, tout le monde a le droit de faire ce qu'il veut de sa propriété. Si des paysans veulent s'unir en coopératives pour produire et vendre leur café, nous n'avons strictement aucune objection à cela dans la mesure où ces producteurs peuvent fonctionner ainsi sans exploiter les contribuables par l'entremise du gouvernement. C'est pourtant ce qui se passe lorsque les Canadiens sont obligés de financer des ONG comme Équiterre à coups de dizaines de millions (le Prix Béquille portait sur le fait que ces organismes se plaignaient que le ministre Paul Martin leur accorde « seulement » 50 millions $ supplémentaires au cours de l'année dernière). Je ne vois pas en quoi cette nouvelle forme d'exploitation est préférable à la première.  
  
          Si ces coopératives peuvent augmenter la compétitivité de leurs produits sur le marché du café en réduisant le nombre d'intermédiaires dans la chaîne de production et de distribution, tant mieux pour elles. Les paysans font plus de profits, l'économie est plus productive, les consommateurs paient moins cher, et tout le monde en bénéficie. Si, toutefois, elles sont incapables de fonctionner sans subventions et protection spéciale (de façon indirecte bien sûr, lorsque les ONG subventionnées entretiennent un marché artificiel pour leur café ici), alors elles n'ont pas de logique économique et devraient fermer. Entre un gouvernement qui force les paysans à travailler à petit salaire et un autre gouvernement qui force les contribuables à financer ces paysans par « solidarité », il n'y a pas de bon choix à faire. Les libertariens choisissent simplement la liberté économique, la seule solution vraiment équitable.  
  
          Bien à vous,  
  
M. M. 
 
 
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