Montréal, 17 février 2001  /  No 77
 
 
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Yvan Petitclerc est historien et habite à Montréal.
 
OPINION
  
L'ÉTAT, LE SPORT
ET LA FIERTÉ SYMBOLIQUE
 
par Yvan Petitclerc
  
 
          Je le confesse d'emblée, j'adore le sport professionnel. Particulièrement tout ce qui touche la course de Formule 1 et la boxe. Il faut dire que pour quiconque sait s'y attarder, ce même sport professionnel constitue aujourd'hui l'une de ces fameuses « compétences transversales » par excellence dont on parle dans le monde de l'éducation. Ceci étant dit, ça ne veut pas dire que je ne me questionne pas fortement sur la croissante mentalité de Welfare State de certains protagonistes de ce milieu.
 
Scénarios catastrophiques 
  
          L'on dit souvent de ce côté-ci de la frontière que nos voisins du Sud jouissent d'avantages financiers très importants lorsqu'il s'agit de construire un nouveau stade dans une ville. C'est vrai. Cela n'en fait pas pour autant une justification valable en soi. 
  
          Prenons un moment l'exemple de la Ligue nationale de hockey. Plus précisément du cas d'une de ses franchises qui voudrait se doter d'un nouvel amphithéâtre en ayant recours dans une large mesure aux subsides gouvernementaux. L'entreprise en question, c'est pourtant alors et toujours la Ligue nationale de hockey et non pas la seule équipe de la ville concernée. Il n'y a donc à cet égard pas davantage de raisons de subventionner cette équipe qu'un gouvernement n'en aurait de subventionner une nouveau magasin de meubles, un magasin à rayons ou n'importe quel autre type d'entreprise franchisée, soit-elle en difficulté ou non.  
  
          Rappelez-vous avant le déménagement des Nordiques. Certains prédisaient presque la disparition de la ville de Québec du circuit des destinations touristiques les plus prisées advenant le départ de l'équipe. La catastrophe, disait-on alors. Depuis, les Nordiques sont tout de même partis et le pire des scénarios ne s'est pas produit. La ville de Québec atteignait même au milieu des années 1990 un niveau d'achalandage touristique inégalé.  
  
          Et puis, si le sort d'une ville et sa renommée internationale ne tenaient qu'à ses équipes sportives, il y a longtemps que Cleveland ou Charlotte en Caroline du Nord figureraient aux côtés de Milan, Londres, New York ou Paris auprès du jet set international. Aux dernières nouvelles pourtant, il semble qu'on ne s'y ruait pas... 
  
D'autres viendront 
  
          Aujourd'hui la saga des Expos n'en finit plus de finir. La solution est pourtant simple. S'ils veulent rester, qu'ils restent. Sinon qu'ils partent et qu'on en finisse. Le dynamisme d'une économie ne repose pas sur quelques emplois de services à temps partiel occupés pendant que quelques millionnaires de passage, dont le seule loyauté va au plus offrant, frappent des balles quelques mètres plus bas.  
  
  
     « Si le sort d'une ville et sa renommée internationale ne tenaient qu'à ses équipes sportives, il y a longtemps que Cleveland ou Charlotte en Caroline du Nord figureraient aux côtés de Milan, Londres, New York ou Paris auprès du jet set international. » 
 
 
          Et puis de toutes façons, s'ils partent quelqu'un d'autre viendra. Les Alouettes sont disparus puis réapparus. L'équipe de hockey du Minnesota a fait de même, Atlanta aussi, et combien d'autres encore. Montréal n'est peut-être pas New York ou Los Angeles, il n'en demeure pas moins qu'il y a là un bassin de population suffisant pour faire vivre des équipes de sport professionnelles et qu'il y aura par conséquent toujours des investisseurs intéressés à venir y faire de l'argent, fussent-ils d'ici ou d'ailleurs.  
  
          Aujourd'hui, on semble par ailleurs se scandaliser davantage du salaire des joueurs que des subventions qu'on songe à accorder pour les installations sportives du sport professionnel. Pas de quoi pleurer sur le salaire des joueurs, c'est certain. Mais en revanche ce qu'il ne faut pas oublier c'est que si les joueurs ont dans certains cas d'aussi mirobolants salaires, c'est que ça fait l'affaire des propriétaires et que ces derniers y trouvent d'une façon ou d'une autre leur profit. Tout simplement.  
  
          Pendant ce temps, le sport amateur et les athlètes olympiques crient famine. Et ça, c'est l'autre pôle du débat. Est-il en effet du devoir de nos gouvernements de subventionner ce qui relève essentiellement de la fierté symbolique? Cette question nous amène sur le terrain de la comparaison directe avec le monde des athlètes professionnels.  
  
Fierté économique? 
  
          Qui participe davantage du rayonnement du Québec voire du Canada à l'étranger? Les Canadiens qui participent aux séries éliminatoires ou les prochains médaillés québécois et canadiens des jeux à venir à Salt Lake City? Myriam Bédard ou Simon Whitfield qui ont gagné lors d'Olympiades passées ou les Grizzlies de Vancouver de la NBA? Poser ces questions, c'est en partie y répondre. Après les derniers Jeux olympiques de Sydney, des études furent rendues publiques qui démontraient que l'excellente performance des athlètes australiens depuis quelques Olympiades d'été avait eu un effet d'entraînement positif sur la fierté patriotique et sur la confiance en la situation du pays.  
  
          Quant à moi je me rappelle cette question en apparence anodine mais fort pertinente que l'animateur Stéphan Bureau avait posée lors de l'un des deux forums de la dernière campagne électorale fédérale. Appelés à se prononcer sur la question à savoir si le gouvernement devrait oui ou non subventionner davantage les athlètes amateurs, les politiciens nous avaient donné des réponses fort révélatrices. Les représentants conservateur, bloquiste, allianciste et libéral s'étaient prononcés en faveur d'une aide financière gouvernementale accrue, bien qu'à des degrés fort variables. Seul le représentant néo-démocrate s'était prononcé contre.  
  
          Pour un parti aussi fortement fédéraliste et « Canadian coast to coast » dans sa vision, voilà un manque de jugement qui avait décidément de quoi surprendre. La politique, c'est peut-être de la gestion financière saine et un système de santé qui fonctionne, mais c'est aussi un domaine qui englobe fortement le symbolique. Vous en doutez encore? Parlez-en donc aux souverainistes qui, depuis que les poètes et artistes adoptent une attitude de plus en plus indifférente face à la question de l'indépendance, voient la ferveur populaire envers leur projet obstinément stagner... 
 
 
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