Montréal, 15 octobre 2008 • No 260

OPINION

 

André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal.

 
 

L'INTERVENTIONNISME FINANCIER DU GOUVERNEMENT AMÉRICAIN N'A RIEN À VOIR AVEC LE CAPITALISME

 

par André Dorais

 

          Depuis quelques mois, le gouvernement américain ne cesse de venir en aide à d'importantes entreprises financières: Bear Stearns, Fannie Mae, Freddie Mac et, la dernière en date, AIG. L'aide accordée à Bear Stearns, une banque d'investissement, a été évaluée à 29 milliards de dollars américains, celle promise à l'assureur AIG est de 85 milliards $, tandis que les montants qui serviront à renflouer Fannie et Freddie sont estimés à 25 milliards $ selon le Congrès, mais à quelque 1 500 milliards $ selon des sources privées.

 

          AIG, Fannie et Freddie passent également sous le contrôle gouvernemental. En d'autres mots, Washington nationalise ces entreprises le temps de les remettre sur rails. Or, pourquoi le gouvernement serait-il plus apte que le marché à effectuer ce boulot? Les investisseurs vont-ils se remettre à acheter ces titres sous le prétexte que le gouvernement est prêt à saigner les contribuables pour les garder à flot? Ces entreprises se sont retrouvées au bord du gouffre malgré les avantages qu'elles avaient sur la concurrence, soit de meilleurs prix et des taux d'intérêt plus bas découlant de la garantie implicite du gouvernement de venir à leur rescousse en cas de problème. Le gouvernement aurait dû les laisser mourir plutôt que de les nationaliser. Cela démontre, une fois de plus, qu'une intervention gouvernementale en invite une autre.

          Le secrétaire au Trésor, Henry Paulson, et le président de la Fed, Ben Bernanke, ont finalement réussi à convaincre le Congrès d'accepter un plan de 700 milliards $ pour acheter notamment ces titres associés aux hypothèques « subprimes » ayant une valeur incertaine. On fait donc passer le risque et la responsabilité des mains de ceux qui ont pris de mauvaises décisions à celles de l'ensemble des contribuables.

          Les coûts pour les contribuables américains ne s'arrêtent pas là. En effet, la FDIC, ou société d'assurance dépôt, une autre créature de l'État créée durant la Grande Dépression, en a déjà plein les bras. Elle demande l'aide financière du Congrès, car elle prévoit des difficultés à rembourser les épargnants qui cognent à sa porte (sur le même sujet on peut également lire et entendre les propos de Nouriel Roubini). Dédommager les épargnants de la seule banque Indymac devrait lui coûter quelque 9 milliards $. Cet organisme tente pourtant dans les médias de rassurer les épargnants que leur argent est en sécurité, ce qui constitue une véritable supercherie, car elle n'a jamais eu la capacité de garantir ces dépôts et ne l'aura jamais. La seule garantie est que le gouvernement va imposer les contribuables et utiliser sa planche à billets pour les rembourser. La situation est similaire au Canada, en Europe et dans plusieurs autres pays.
 

« Qui n'aimerait pas échanger quelques-uns de ses mauvais placements contre des bons du Trésor garanti par l'État? Qui n'aimerait pas un congé d'intérêt ou un peu plus d'argent à un taux plus bas que partout ailleurs? »


          À cela s'ajoute l'aide accordée, sous forme de prêts avantageux et d'échange d'actifs, à quelques gros joueurs du secteur financier. Lorsqu'on comprend la nature et les conséquences de cette aide, on ne peut faire autrement que de s'en indigner. En effet, qui n'aimerait pas échanger quelques-uns de ses mauvais placements contre des bons du Trésor garanti par l'État? Qui n'aimerait pas un congé d'intérêt ou un peu plus d'argent à un taux plus bas que partout ailleurs? Grâce à ces mécanismes, les banques ont pu se procurer quelque 350 milliards $ depuis un an et le dernier plan gouvernemental veut offrir cette aide à plus d'entreprises et en rendre les critères d'éligibilité plus flexibles encore. Malheureusement, pour avoir droit à ces cadeaux on doit intégrer le cartel. Il y a effectivement des cartels que les gouvernements défendent. On ne parle pas de « système » monétaire et bancaire pour rien. Aucun autre secteur d'activité économique n'est érigé en système.

          On peut résumer toute cette activité ainsi: on socialise les pertes et on privatise les profits! Les critiques de gauche ont raison de dénoncer cette injustice, mais ils n'en ont pas moins tort d'en accuser le capitalisme. L'interventionnisme de l'État est le propre du socialisme, qui existe en finance et aux États-Unis comme ailleurs. Ces sauvetages n'ont rien à voir avec la générosité, ils sont motivés par la peur des dirigeants du Trésor et de la Réserve fédérale de voir s'écrouler les institutions financières les unes après les autres.

          Accuser les spéculateurs ou les représentant véreux de compagnies de finance d'être responsables de la crise financière passe à côté de la source du problème, qui est le monopole étatique sur la monnaie, de même que ses corollaires que sont le régime des réserves fractionnaires (c'est-à-dire une politique qui encourage les banques à prêter plus d'argent qu'elles n'en ont dans leurs coffres) et les politiques d'expansion monétaire (par la manipulation des taux d'intérêt et l'injection massive de « liquidités »). Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas d'acteurs véreux dans le secteur financier, mais plutôt que leur responsabilité est minime comparée à celle des gouvernements. De même, il ne s'agit pas de nier la responsabilité des entreprises relativement à leurs déboires, mais de réaliser qu'il y a des facteurs externes (l'inflation monétaire et ses conséquences) qui les ont incitées à prendre plus de risques que ceux qu'elles auraient assumés sans eux. Si nous avions un système monétaire fondé sur des principes de libre marché et de respect des contrats et du droit de propriété, le boom inflationniste des dernières années et le crash actuel ne seraient jamais survenus.
 

 

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