15 mai 2013 • No 311 | Archives | Faites une recherche | Newsletter

 

 

   
Opinion
Le socialisme bien vivant*
par Jean-Hugho Lapointe


Le Nouveau Parti démocratique du Canada a retiré le mot « socialisme » du préambule de sa constitution afin de rendre le parti plus attrayant pour l'électorat. Est-ce à dire qu'il s'agit d'une manoeuvre marketing et non d'un changement de cap idéologique? Car si même le NPD abandonnait le socialisme, cela ne sonnerait-il pas le glas du socialisme au Canada?

Ces questions présentent une opportunité de réflexion sur nos courants politiques actuels. D'une part, parce qu'il reste peu de gens pour s'associer ouvertement au socialisme et, d'autre part, parce que si le socialisme est à ce point indésirable, il n'en demeure pas moins que, pour citer Charles Baudelaire, « la plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu'il n'existe pas ».

Le socialisme est un courant de pensée pourtant assez large s'inscrivant dans le collectivisme (par opposition à l'individualisme). Révolte intellectuelle contre le capitalisme, son émergence se rapporte au XIXe siècle alors que certains penseurs ont attribué la pauvreté urbaine à l'industrialisation, et croyaient pouvoir combattre les inégalités économiques en remplaçant la production pour le profit par une économie de production en fonction des besoins, et/ou en éliminant la propriété privée des ressources et des moyens de production pour la remplacer par une forme de propriété collective.

Ces idées se sont avérées puissantes et se sont rapidement propagées, jusqu'à ce que les désastres économiques et sociaux qui ont résulté de leur application en divers endroits n'obligent une reconsidération. Notamment, les milieux académiques, jusqu'alors épris des promesses du socialisme, ont constaté qu'il était impossible pour un planificateur centralisé, quel qu'il soit, de maîtriser à temps l'information nécessaire à la coordination efficace de l'ensemble des efforts économiques requis pour satisfaire l'ensemble des besoins rencontrés dans la société.
 

   

« Quoi qu'en disent le NPD ou ses adversaires, le socialisme est toujours bien présent; nous l'avons simplement oublié. »

   


Réfuté sur des bases tant empiriques qu'académiques, et ayant confirmé qu'il ne menait pas à la liberté, mais plutôt à son contraire, le socialisme dur préconisant l'abolition de la propriété privée a rapidement perdu de son lustre au cours du XXe siècle. Toutefois, ceci n'a pas ébranlé l'ardeur de plusieurs, notamment chez une majorité d'intellectuels, à vouloir tenter de façonner l'économie selon nos désirs et de manière à nous prémunir contre les effets négatifs d'un marché laissé à lui-même.

Ainsi, la révolution intellectuelle que le socialisme représentait contre le capitalisme et le libre marché est demeurée fort vigoureuse et caractérise, à divers degrés, l'éventail d'idées de la plupart des mouvements politiques que nous connaissons. Tous partent de la prémisse communément acceptée voulant que l'économie laissée à elle-même (le capitalisme) ne soit pas viable ‒ ou juste ‒ et qu'un certain degré d'intervention de l'État soit nécessaire afin de redistribuer équitablement les ressources et de moduler l'usage de la propriété.

Il est indéniable que cette présomption à l'effet que nous puissions façonner la société conformément à nos idéaux a mené à une accumulation de promesses et d'interventions étatiques par tous les détenteurs du pouvoir au fil des ans, interventions jugées nécessaires pour corriger les défauts allégués d'un capitalisme qui n'a jamais été authentiquement pratiqué. Ainsi, nous progressons irrémédiablement, non pas par voie de révolution, mais par voie démocratique, vers un modèle que la plupart croient appartenir au passé, selon un processus dont la lenteur le rend difficilement perceptible, mais non moins certain.

Quoi qu'en disent le NPD ou ses adversaires, le socialisme est toujours bien présent; nous l'avons simplement oublié. Tant que nous n'aurons pas vaincu nos réflexes anticapitalistes, il guidera le sort de nos sociétés vers le seul résultat qu'il puisse produire: une misère grandissante répartie équitablement, sous la supervision d'une élite bienveillante immunisée contre elle.

*Texte d'opinion publié dans La Presse le 22 avril 2013.

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Jean-Hugho Lapointe est avocat. Il détient un certificat en administration des affaires de l'Université Laval.

   
 

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