15 février 2014 • No 319 | Archives | Faites une recherche | Newsletter

 

 

   
Lecture
The Financial Crisis and the Free Market Cure, de John Allison
par Pierre-Guy Veer


Plusieurs étatistes continuent de dire que la déréglementation et le capitalisme (ajouter superlatif négatif du jour) ont causé la crise économique des dernières années. Or, il n'en est rien; une crise économique de cette envergure ne peut avoir qu'une seule source: le gouvernement. Avec ses énormes pouvoirs de coercition, il peut facilement forcer de nombreux acteurs économiques à adopter des comportements irrationnels allant à l'encontre de leurs intérêts.

John A. Allison, président de l'Institut Cato à Washington et ancien PDG de la banque BB&T (Branch Banking and Trust), a pu voir cette influence destructrice au cours de sa carrière à la tête de cette grosse banque de la côte est des États-Unis. Il parle en long et en large de la crise économique, et propose d'excellentes solutions pour en éviter une autre, dans son excellent livre The Financial Crisis and the Free Market Cure: Why Pure Capitalism is the World Economy's Only Hope (McGraw-Hill, 2012).

Dans la tradition des économistes autrichiens, il voit l'économie pour ce qu'elle est vraiment: une observation du comportement humain. En résumé, les humains tendent à agir selon ce qui semble être leur meilleur intérêt d'après ce qu'ils voient autour d'eux – ce qui peut paraître irrationnel avec le recul ne l'était pas quand le geste fut posé. C'est d'ailleurs cette irrationalité qui engendre des crises économiques puisque, comme en physique, toute action a sa réaction.

L'une des principales causes de la crise qui fait encore rage fut l'éclatement de la bulle immobilière en 2007-2008. Comme toute bulle, son origine peut être repérée dans des politiques gouvernementales, et elles sont nombreuses. Selon Allison, l'immobilier est le domaine qui a reçu le plus de subventions depuis le New Deal des années 1930.

On voulait ainsi encourager tout le monde à s'acheter une maison, même si: 1) ce n'est pas pour tout le monde, particulièrement pour les gens qui déménagent souvent; et 2) ce n'est pas un investissement au sens économique du terme, c'est-à-dire qui permet de produire plus de valeur. Comme une maison ne produit rien une fois qu'elle est construite, elle est un bien de consommation au même titre qu'une voiture ou un sac de carottes. Sans compter que plusieurs emplois directs dans la construction, une fois que la bulle éclate, deviennent obsolètes, ce qui ajoute à la perte sèche quand la bulle éclate…

Dans les années 1990, cet encouragement s'est fait (presque littéralement) à la pointe d'un fusil. En effet, soucieux d'entretenir sa base électorale noire, le président Bill Clinton a soudainement décidé d'appliquer certains règlements visant à empêcher la discrimination raciale dans les prêts bancaires. Pour ce faire, il s'est basé sur une étude plus que douteuse de la Fed (la banque centrale américaine), qui affirmait que les Noirs étaient discriminés en se voyant refuser un prêt qu'un Blanc, avec un même ratio de dette, réussirait à obtenir.

L'ennui, c'est que le ratio d'endettement d'une personne est loin d'être le seul facteur pris en considération par les prêteurs. Il y a également la durée des emplois ainsi que le paiement ou non des dettes. Mais comme la quasi-totalité des régulateurs ne connaissent rien aux prêts, ces « menus » détails étaient sans importance; les bonnes intentions ont préséance sur le gros bon sens des banquiers.
 

   

« Au-delà de la réglementation bancaire, Allison montre à quel point la réglementation en général chamboule complètement les choix des dirigeants d'entreprise, peu importe le domaine. »

   


Et ce gros bon sens a fortement été affecte quand Clinton a forcé Fannie Mae et Freddie Mac, deux agences quasi gouvernementales qui garantissent les hypothèques, à détenir jusqu'à 50% de prêts hypothécaires offerts aux personnes à faible revenu qui ne peuvent normalement obtenir d'hypothèques (les fameux « subprimes »). En d'autres termes, au nom d'une politique « charitable » visant à faciliter l'achat d'une propriété, l'administration Clinton (Bush, son successeur, n'a pas pu changer ces règles) a donc parti le bal dans le gonflement de la bulle immobilière en diminuant dramatiquement les conditions préalables à l'obtention d'une hypothèque.

Fin de la primauté du droit


Au-delà de la réglementation bancaire, Allison montre à quel point la réglementation en général chamboule complètement les choix des dirigeants d'entreprise, peu importe le domaine. Un jour, tel règlement est sans importance parce que le contexte économique est favorable. Mais six mois plus tard, quand les choses vont mal, « The humble bureaucrats are then energized with the moral certainty and clarity of the Gestapo » (Les humbles bureaucrates ont maintenant l'énergie et la certitude morale de membres de la Gestapo). Ce dernier décide donc de blâmer le dirigeant d'entreprise pour ne pas avoir appliqué ledit règlement, ce qui peut, par exemple, forcer le refus d'un prêt. Pour ajouter l'insulte à l'injure, Allison affirme qu'un banquier ne peut pas dire à son client, si fidèle et fiable soit-il, que son prêt est refusé à cause d'un zèle bureaucratique soudain.

Cet arbitraire s'est également reflété dans le secours financier de certaines banques et pas d'autres. Normalement, dans un libre marché, une compagnie mal gérée fait faillite et ses avoirs sont redistribués de façon à mieux répondre à la demande. Mais quand le gouvernement rentre dans le portrait, il peut décider, en utilisant des raisons du genre « le système va s'écrouler si nous ne faisons rien », de sauver une entreprise de la faillite. En clair, le gouvernement dit: « Ce n'est pas important si vous vous administrez mal, je vais vous secourir! » – la fameuse mentalité « Too big to fail » (Trop gros pour faire faillite).

Par exemple, Henry Paulson, secrétaire du Trésor quand la crise a commencé, était un gros actionnaire de Goldman Sachs, une des plus grosses compagnies financières à faire faillite. Il a évidemment tout fait pour secourir son investissement, tout en laissant Lehman Brothers faire faillite. Mais le fait qu'UNE compagnie ait été sauvée permet aux autres de penser que prendre des risques inconsidérés, surtout s'ils sont encouragés par le gouvernement, sera « récompensé » en bout de ligne...

Des solutions choquantes, mais nécessaires

Afin d'éviter une autre crise comme celle que nous subissons encore – Allison en prédit une autre majeure d'ici 10 à 15 ans si aucun changement majeur n'est apporté – des solutions radicales (mais ô combien nécessaires) doivent être apportées. La majorité de la réglementation bancaire, particulièrement la loi Dodd-Frank adoptée après la crise, doit être abolie au plus vite. Aussi, Fannie Mae et Freddie Mac doivent être liquidés et/ou privatisés, ce qui remettra du bon sens dans le marche hypothécaire – sans garantie du gouvernement, fini les prêts à risque. Il propose également, comme toute personne connaissant bien le pouvoir des incitations sur le comportement, de diminuer les impôts afin d'encourager la production. En effet, quand les impôts sont élevés, les gens passent plus de temps à tenter de les éviter qu'à tenter d'innover, bloquant ainsi la voie à une amélioration de notre niveau de vie.

Une autre solution radicale proposée par Allison vise à s'attaquer à la racine des crises économiques, qui est avant tout philosophique et non économique. Et cette philosophie de la crise est... l'altruisme, tel qu'Ayn Rand l'a défini, c'est-à-dire la volonté de sacrifier autrui pour son propre bénéfice. C'est exactement ce qui a engendre la crise: parce tout la monde « a droit » à une maison, le gouvernement doit prendre les moyens nécessaires pour y arriver. Mais pour y arriver, il faudra « sacrifier » certaines personnes – les banquiers, en les forçant à prêter à n'importe qui, et les contribuables, en les forçant à payer pour les fautes des banquiers. En laissant libre cours à l'égoïsme (ici encore, selon la définition objectiviste d'Ayn Rand) des gens, une crise de l'ampleur de celle de 2008 n'a virtuellement aucune chance de se reproduire puisqu'il n'est pas dans l'intérêt personnel des banquiers de prendre autant de risque.

En conclusion, The Financial Crisis and the Free Market Cure devrait faire partie de toutes les bibliothèques. Les explications très détaillées de l'auteur permettent de voir la crise du point de vue des « fautifs » et montre que leurs agissements étaient somme toute rationnels dans le contexte (bien que certains aient pris moins de risques que d'autres, ce qui s'explique aussi par les incitations du gouvernement). Même si certaines explications sont difficiles à suivre – sans doute parce que la réglementation elle-même est incompréhensible –, l'ouvrage est assez bien vulgarisé pour que Monsieur et Madame Tout-le-monde puissent facilement comprendre. Il vous donnera quelques munitions de plus pour répliquer à ces incessants c'est-la-faute-du-libre-marché qui polluent encore les pensées de trop de gens!

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Pierre-Guy Veer est journaliste indépendant.

   
 

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