15 mars 2013 • No 309 | Archives | Faites une recherche | Newsletter

 

 

   
Opinion
Le Québec, une société altruiste
par Pierre-Guy Veer


Selon la philosophe Ayn Rand, un altruiste est une personne qui en utilise une autre à ses propres fins, comme un agneau sacrificiel. Sur la base de cette définition, on peut affirmer sans l'ombre d'un doute que le Québec est une société très altruiste. De la même façon que les tribus primitives qui pratiquaient le sacrifice humain, ou que certaines sociétés qui pratiquaient même jusqu'à récemment l'esclavagisme, on exploite une partie de la population au Québec au profit d'une autre partie. Et les exemples sont nombreux.

L'éducation et la santé payées par les autres

En ce moment, le domaine par excellence où se pratique l'altruisme au Québec est sans aucun doute l'éducation. Lors du supposé « printemps érable » en 2012, les altruistes au carré rouge sont descendus dans la rue pour refuser de payer plus pour une marchandise qu'ils ont à très bon marché – à peine plus chère qu'à Terre-Neuve. Oui, l'éducation est une marchandise: elle a une offre, une demande et un prix. L'éducation a un prix parce que c'est le produit du génie humain (contrairement à la lumière du soleil, que l'on reçoit gratuitement) et les gens qui transmettent ces connaissances, fussent-ils syndiqués, ont droit à une juste compensation pour services rendus. Mais avec des droits de scolarité aussi bas, une université peut difficilement embaucher des professeurs de prestige, créer des chaires de recherches ou encore attirer les meilleurs étudiants.

Plusieurs étudiants sont à l'université uniquement parce que l'État impose un sacrifice aux gens les plus productifs et redistribue les impôts selon ses caprices. Cela permet à certains d'étudier « pour le plaisir » dans des domaines aux débouchés limités (théâtre, sociologie, littérature, etc.) Ne me méprenez pas: je n'ai rien contre le fait que quelqu'un étudie dans les domaines sus mentionnés. Le problème est qu'ils le font avec l'argent des autres.

Un autre domaine hautement altruiste au Québec est bien sûr la santé, qui accapare 47% des dépenses de programme (à l'exclusion du service de la dette). L'altruisme est évidemment reflété dans la façon dont le système est administré. Comme c'est « gratuit » (lire: on utilise l'argent des autres), alors les gens ont une forte incitation à consommer beaucoup de soins et à aller voir le docteur pour le moindre bobo. Comme l'accès est universel, les listes d'attente s'allongent indéfiniment; à moins, bien sûr, d'avoir de bons contacts... On ne compte plus les gens qui meurent sur les listes d'attente.

Bien entendu, comme le gouvernement « offre » généreusement autant de services, il doit avoir de bonnes sources de revenus. Les sources de revenus autonomes étant presque inexistantes, il ne lui reste qu'une solution: le vol légal du produit d'autrui (euphémiquement appelé impôt). Sa forme progressive – on paie une proportion plus élevée d'impôts quand on a un plus haut salaire – montre très bien son caractère altruiste. Ainsi, une plus grosse part de l'impôt sur le revenu est payée par les « riches » ‒ 70% de tout l'impôt est payé par 20% des contribuables. Et comme les contribuables (qui paient de l'impôt) représentent moins de la moitié de la population totale (8M d'habitants), on peut déduire que les « riches » forment moins de 10% de la population totale. En d'autres mots, ce sont eux qui doivent payer pour tous les services « gratuits » qui sont offerts.
 

   

« Faire payer les gens pour les choses auxquelles ils ne croient pas est de la tyrannie, disait Jefferson. J'ajouterais que ce qui ne peut pas vivre sans État ne mérite pas de vivre. »

   


Sacrifier ceux qui ne parlent pas français

En plus de faire preuve d'altruisme fiscal et économique, le gouvernement du Québec fait également preuve d'altruisme social, avec une foule de lois et règlements qui violent nos libertés et limitent nos choix. En tête de liste vient la loi 101, dont le but implicite est de ghettoïser l'anglais afin de « protéger » le français de cette langue « étrangère ». Mais si le français est si important pour « les Québécois », pourquoi diable doit-il être autant protégé?

Peu importe. La langue passe avant la compétence pour le PQ, alors il est normal que « nous » sacrifions ceux qui refusent de parler « notre » langue. Il est donc justifié de trainer un propriétaire de dépanneur dans la boue sur la place publique parce qu'il parle la langue étrangère, de harceler (avec la coercition gouvernementale qui augmente) des commerçants dont les affiches laissent trop paraître la langue étrangère, d'exiger que les entreprises fonctionnent en français, n'eussent-elles que 10 employés, de vandaliser des propriétés publiques et privées qui affichent en anglais et d'exiger qu'un ordre professionnel ne donne un permis de travail qu'à une personne ayant une connaissance appropriée du français (article 35), laissant le champ libre pour discriminer ou même congédier les « fautifs », fussent-ils compétents.

Toujours dans le domaine identitaire, le gouvernement se permet un grand altruisme dans le domaine culturel, en subventionnant plusieurs activités (théâtre, chanson, spectacle, etc.). Le gouvernement semble incapable de comprendre pourquoi les Québécois ne consomment pas davantage des produits venant de leur propre culture. Serait-ce parce que les gens ne l'aiment pas? Si des artistes comme Céline Dion, Guy Laliberté ou Leonard Cohen on eu des carrières aussi prolifiques, même s'ils ont reçu des subventions, c'est parce que leur art plaisait à suffisamment de personnes pour justifier la continuation de leur carrière. Si un acteur ou un musicien dans un orchestre symphonique aime tellement son art qu'il est prêt à vivre du maigre salaire qu'il reçoit, grand bien lui en fasse. Mais s'il n'en est pas satisfait, qu'il change de travail; je ne veux pas servir d'agneau sacrificiel pour des gens qui pratiquent un métier qui ne satisfait pas leurs besoins de base (ou les besoins des autres). Faire payer les gens pour les choses auxquelles ils ne croient pas est de la tyrannie, disait Jefferson. J'ajouterais que ce qui ne peut pas vivre sans État ne mérite pas de vivre.

Dans la catégorie « utiliser l'argent d'autrui pour d'autres fins », on ne peut passer sous silence la panoplie de programmes sociaux offerts au Québec, payés naturellement par vol légalisé. Que ce soit l'assurance parentale, les garderies ou l'assurance médicament, le gouvernement s'est immiscé dans la vie des gens afin d'influencer leurs choix. En effet, avant la mise en place de ces programmes, on n'entendait jamais parler du fait qu'il manquait de place en garderie, ni de médicaments, mettant ainsi en péril des opérations chirurgicales, ni de fonds à une caisse qui accumulerait jusqu'à 600M $ de déficit d'ici 2018, « nécessitant » une hausse des cotisations.

Tout cela s'explique par un simple jeu d'offre et de demande: quand le prix de quelque chose est en-dessous de son coût réel, il y a surconsommation, et éventuellement pénurie. Tant que le gouvernement maintiendra un contrôle des prix, il n'aura pas le choix de maintenir toutes ses politiques altruistes et d'utiliser l'argent des autres pour palier les pénuries qu'il a créées. Toutefois, comme disait Margaret Thatcher, l'argent des autres finit un jour par manquer...

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Pierre-Guy Veer est étudiant au bac en économie-politique à l'Université Laval.

   
 

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