Montréal, 15 mai 2005 • No 154

 

COURRIER DES LECTEURS / READERS' CORNER

 

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POUR LES CLASS ACTIONS À LA FRANÇAISE

 
 

          Bonjour,

          Étrange qu'une publication à la cause si juste et éclairée que la vôtre donne la parole à un jacobin obtus (pléonasme, pardon) tel que Mathieu Laine. L'introduction des class actions en France permettra enfin aux citoyens de ce pays de se défendre efficacement dans un système de justice muselé par l'étatisme français. Je vous rappelle qu'en France, la justice est un privilège réservé à ceux qui peuvent payer un avocat. L'inspiration anglo-saxonne et, en particulier, nord-américaine de ce recours aux class actions ne peut que bénéficier aux citoyens français et constituera un nouveau pas salutaire dans la lutte nécessaire contre l'étatisme gaulliste ou marxiste qui s'acharne depuis des décennies à détruire ce pays.

Alain Bismut
Scénariste Paris, France
 

 

RÉFÉRENDUM: CE QUI EST EN JEU EST DE BÂTIR L'EUROPE

 

Monsieur de Poncins,

          J'aime Tocqueville, mais j'ai des doutes sur votre façon de raisonner en général. Un pamphlet est une chose (il en est d'excellents), mais la contradiction logique est une faute de goût. Comment peut-on, sur la même page, dire que les élections françaises sont « formidablement truquées » et appeler à voter « non » contre le pouvoir? On peut être de droite, libéral et critiquer la bureaucratie européenne comme la social-culpabilité à la française, cela n'autorise pas à proférer n'importe quelle ineptie.

          Oui, une certaine démocratie existe en France. Non, la Suisse n'en est pas le paradis, il suffit de se rappeler l'histoire. Quant aux États-Unis (le modèle implicite?), l'élection de George W. Bush 1er était-elle « démocratique »?

          La France n'est pas l'objet du débat (ou alors, ne parlez pas de « libéralisme » mais restez-en à un bon vieux « nationalisme » classique). Ce qui est en jeu est de bâtir l'Europe. Si elle devient, elle sera « puissance », ne serait-ce que par inertie: parler d'une seule voix est quand même plus convaincant que de piailler à 25. Est-ce que la Corse ou la Corrèze pèsent dans les affaires internationales et dans l'économie mondiale?

          Qu'il y ait mensonges et entourloupes de la part du pouvoir actuel, rien de bien nouveau: cela fait quand même 40 longues années que J.C. (Chirac, pas Jésus-Christ) sévit dans les antres du pouvoir. Il est de droite, mais démagogique. Et vous venez de vous en apercevoir? Il surfe sur la vaguelette comme Brice de Nice (le film – il ne doit pas être dans votre agenda. Il est mauvais, ado potache, mais éclairant). Que « la » vague survienne et il n'y a plus personne.

          Mais vous, que proposez vous? Le « non » n'est pas une proposition. Souhaitez-vous un rattachement pur et simple aux USA?

Bien à vous,
Alain
 

Réponse de Michel de Poncins:

Cher Monsieur,

          Merci de votre message.

          Je sais que sur beaucoup de points nous sommes en accord, mais, semble-t-il pas sur l'Europe. On ne peut être d'accord sur tout...

          Beaucoup de mes amis libéraux sont pour l'Europe. Je crois que c'est une erreur grave et je suis pour le non, mais aussi pour la sortie de l'Europe. La France doit se libérer doublement: de la dictature européenne et du socialisme.

          Bien évidemment, cela implique la poursuite de la libération des échanges, pour laquelle nous n'avons nul besoin au contraire de la bureaucratie bruxelloise.

          Le texte que vous n'avez pas apprécié n'est pas un pamphlet, mais la description véritable de la situation de la France d'aujourd'hui. Dégradé moralement et financièrement, la France est un pays littéralement dévasté.

          Mais je vais vous rassurer! Si le non l'emporte, Chirac et compagnie trouveront le moyen de tourner le verdict comme ils l'ont fait si souvent dans le passé. L'un des intérêts du non est justement d'ébranler même faiblement le système.

Cordialement,
M. de P.
 

 

RÉFÉRENDUM: CE SERA NON, NON ET NON!

 

Re.: RÉFÉRENDUM DU 29 MAI: LETTRE OUVERTE AUX STALINIENS POUR LE NON, le QL, no 153

 

Bonjour,

          Sans être « Européen » de naissance, je le suis depuis 1946. Par un beau dimanche (j'ai le souvenir d'un agréable soleil) d'élections, j'accompagnais mon père allant « faire son devoir » lorsqu'il s'est tourné vers moi pour me dire: « nous ne sommes pas Français, nous sommes Européens ». Il avait payé le prix fort de sa Francitude puisque, refusant en qualité de sous-officier (rappelé par erreur et maintenu pas omission) de travailler pour l'ennemi, il avait subi toutes les oppressions possibles de la part de la Wehrmacht: sous alimentation au-delà du supportable, travaux forcés à casser des cailloux, etc. Lorsqu'il est revenu, après un passage par divers hôpitaux, il pesait une quarantaine de kg pour 1,85 m. Cependant, il pensait à sa mère d'origine autrichienne (petite fille de l'architecte autrichien Jean-Charles Krafft venu s'installer à Paris à la fin du 18ème siècle où il est mort en 1830 après avoir publié de nombreux ouvrages en français dont Les plus beaux jardins de Paris et Les plus belles façades de Paris vendus à prix d'or chez les marchands de livres anciens), à un oncle par alliance polonais. Mon père était né en Amérique du Sud après que son propre père, dégoûté par la fatuité des Français avant la guerre de 1870 et leur lamentable débandade face aux Allemands, ait quitté la France pour l'Équateur.

          Du côté de ma mère d'origine méridionale, quoique née à Paris, on trouvait aussi une tante polonaise du nom de Wlaxiborska (si je ne déforme pas trop ce nom). La tradition continue puisque ma belle-soeur est hongroise et que mon gendre est chinois.

          En janvier 2003, la « grand-messe » franco-allemande à Versailles m'a fait verser des larmes de bonheur: voir des ministres allemands venir siéger à Paris et des ministres français participer aux délibérations de Berlin, assister à la création d'ambassades communes, lire l'annonce du rapprochement des dispositions de nos Codes civils respectifs, etc. Depuis, rien. Tout est oublié. Ce n'était qu'une bulle de savon de plus.

          Comme la création de la France a nécessité la perte de souveraineté des ducs et comtes de Bourgogne, d'Anjou, d'Artois, d'Aquitaine et d'ailleurs, la création de l'Europe sonne le glas des « nations » actuelles, prolongement des anciens duchés. À défaut, leur « Union Européenne » n'est rien d'autre qu'une resucée en plus large de « l'Association Européenne de libre-échange » – qui fonctionna sous l'autorité du Royaume-Uni. Ça, c'est NON.

          Leur « traité constitutionnel » est présenté comme un rempart contre l'immigration. Il vise donc à renforcer les champs de mine (plus exactement, le carrousel de satellites observés par Francfort) qui enferme la « citadelle Europe ». Ce qui n'empêche pas, simultanément de déplorer la faible envie de reproduction des femmes d'Europe et d'annoncer le déclin de cette zone et d'abord la faillite des caisses de retraite faute de cotisants. Contre cette absurdité toute droite héritée du stalinisme, c'est NON.

          Parce que je suis viscéralement attaché à l'Europe, ce sera NON, NON et NON.

Claude Garrier
Docteur en Droit
 

Réponse de Jean-Christophe Delmas:

Monsieur,

          Votre réponse m'a touchée.

          Tout d'abord parce qu'elle me change des insultes que j'essuie depuis la publication de mon petit pamphlet (mais je l'ai sans doute cherché). Ensuite, parce que je me reconnais un peu dans votre parcours: mon grand père, polonais d'origine, aurait été soviétique s'il n'était pas parti, lui et les siens, puis ukrainien, après 1991 (et allemand pendant une courte et funeste période). Le père de ma compagne, à moitié ukrainien lui aussi, combattait dans les rangs de la Wehrmacht sur le front de l'Est. Par la suite, il servit comme de nombreux soldats allemands démobilisés dans la Légion étrangère, ce qui lui valu la « chance » de rester prisonnier quelques mois à Dien Bien Phu, puis d'enchaîner directement sur l'Algérie, où il rencontra mon italienne de belle-mère. J'en passe sur la partie espagnole de notre famille, bref: comment voudrait-on que je ne me sente pas européen. Sans compter mon parcours culturel et personnel, qui m'ont attaché à l'Angleterre, la Belgique, mais aussi, les États-Unis que je ne hais point et la Chine, où je rêve de retourner. Citoyen du monde me siérait parfaitement, si je devais me définir. Disons que le monde, ce sont mes voisins, mais que l'Europe est ma famille. C'est pourquoi, malgré nos similitudes, je milite pour le oui, pour plus d'Europe, pour faire simple.

          Voilà, je ne souhaitais pas polémiquer avec vous, mais juste vous répondre parce que vous m'avez fait l'honneur de me dire vos raisons profondes. Je continue de militer pour le « oui », de combattre le « non » en somme, tout en respectant et partageant votre idéal.

Bien à vous,
Jean-Christophe Delmas
 

 

CONTRE UN COMMERCE DE LA MARIJUANA

 

Cher Monsieur Jasmin Guénette,

          Permettez-moi de désapprouver votre idée de libéraliser la culture et le commerce de la marijuana. Voilà une libéralisation bien trompeuse. Car les « libérés » qui pourront se droguer à volonté et à peu de frais se retrouverons pris dans un carcan mental terrifiant sous des apparences douces et ludiques. Avez-vous déjà approché et connu un schizophrène? Cette maladie est particulièrement invalidante et fait particulièrement souffrir ceux qui en sont victimes. L'effet du cannabis est très proche: perte de l'affectivité, désintérêt pour l'effort, modification dangereuse de la perception visuelle et auditive, parfois accès de violence sans raison, bref l'adepte du cannabis risque fort, dans bien des cas, d'être victime de ceux qui voudront profiter de cet état de faiblesse généralisée. Pire, il semble prouvé que la consommation régulière de cannabis par des adolescents favorise très nettement le déclenchement d'une schizophrénie latente qui, sans cela, ne serait peut-être jamais apparue. Par ailleurs les conséquences des désordres provoqués par cette drogue seront fatalement pris en charge par l'ensemble de la société. En France, depuis que des contrôles réguliers sont pratiqués, on constate que dans 25 à 30% des accidents mortels de la route le conducteur était sous l'emprise du cannabis.

          On nous dit aussi qu'il n'y a pas de dépendance: c'est faux, en fait la demi-vie de la drogue dans le corps humain est de 4 jours, ce qui fait que le consommateur prétend ne pas être accro sous prétexte qu'il n'éprouvera le besoin de fumer un pétard que tous les quatre jours. Les adolescents verront aussi leurs études perturbées et leurs atouts naturels dans la vie gâchés. (Deux psychiatres que je connais ont fait une expérience intéressante: passer une semaine dans une classe de lycée et observer de façon neutre les élèves, avec l'accord des élèves et des professeurs, puis interroger sous le sceau de la confidentialité ces élèves pour savoir s'ils consommaient du cannabis: la liste établie par eux pendant les cours correspondait exactement aux réponses positives). Enfin le cannabis est 7 fois plus cancérigène que le tabac…

          Pour conclure la libéralisation de la marijuana serait en fait une atteinte à la liberté de centaines de milliers d'individu au détriment de l'ensemble de la société. Les vices ne sont pas des crimes, dites-vous? Voire… Il faut se méfier des fausses bonnes idées et je ne puis accepter le libéralisme ou le libertarianisme que vous préconisez à n'importe quel prix. Que faire alors pour réduire cette calamité? J'ai bien quelques idées sur le sujet, mais cela serait sans doute trop long de les exposer ici et peut-être contraire à votre idée de la liberté.

NB: l'amélioration de la plante que vous anticipez d'une libéralisation pourrait être celle des producteurs hollandais en Europe qui ont augmenté la teneur en cannabinol jusqu'à 30% (au lieu de 10%).

Bien cordialement,
Jacques Colombani
 

 

INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE: LA FRANCE N'EST PAS QU'UN MARCHÉ

 


Monsieur Salin,

          Le débat sur l'intelligence économique est marqué en France depuis une dizaine d'années par une série d'erreurs qui ont fragilisé nos entreprises et occulté le déclin de notre influence dans le monde. L'intelligence économique n'est pas une méthode d'entreprise au service du seul secteur marchand: c'est une politique publique, adossée à un patriotisme économique, déclinée à l'aune de nos intérêts territoriaux, nationaux, européens ou mondiaux. Tous nos concurrents majeurs, sans exception, l'ont bien compris depuis longtemps et doivent leurs succès économiques et scientifiques à une stratégie globale mêlant intimement intérêts publics et privés.

          Selon nos théoriciens les plus libéraux, le marché de l'offre et de la demande s'équilibrerait automatiquement par une « main invisible », selon l'expression célèbre de leur idole, Adam Smith... Voilà une illusion « pure et parfaite »! Le prix et la qualité des produits et des services ne conditionnent jamais totalement le succès des acteurs économiques.

          L'influence des États, la force de nouveaux acteurs, tantôt manipulés, tantôt indépendants, comme les ONG, les fondations ou les associations, le développement aussi des méthodes illégales, comme l'intrusion dans les réseaux informatiques, certains monopoles enfin dans les métiers de l'audit, de l'expertise, de l'assurance, de la normalisation ou de la certification, règlent aujourd'hui bien plus le fonctionnement du marché, à tout le moins dans les domaines jugés stratégiques par les États. C'est vrai dans le secteur de l'énergie quand une ONG cible ses attaques médiatiques sur notre industrie nucléaire civile; dans celui de l'armement quand nos constructeurs aéronautiques font l'objet en Europe, en Asie, d'invraisemblables déstabilisations.

          Une politique publique d'intelligence économique ne générerait pas nécessairement une bureaucratie, des réglementations et des dépenses publiques. C'est exactement l'inverse de mes recommandations dans un rapport au premier ministre (2003), qui reposent sur la mise en réseau des acteurs et la définition des lieux et des procédures de convergences d'intérêts entre les secteurs public et privé; sur la pacification en quelque sorte de leurs relations au service du bien commun: la préservation de notre capacité de choix (notre souveraineté), l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises (nos emplois), l'accroissement de notre influence dans le monde (notre destin). Nul besoin pour cela d'une architecture compliquée: un Conseil réunissant autour du premier ministre, deux ou trois fois par an, une dizaine de nos grands industriels et scientifiques soulignant les enjeux fondamentaux; une structure politico-administrative, à caractère interministériel, définissant et actualisant le périmètre de nos intérêts majeurs, coordonnant les administrations publiques compétentes, fournissant aux entreprises l'information et les réseaux utiles, identifiant et mobilisant les acteurs de notre influence.

          La France, l'Europe ne sont pas que des marchés. L'intérêt général d'une Nation n'est pas l'addition d'intérêts particuliers mais leur transformation en un destin collectif. Les États-unis, l'Angleterre et bien d'autres nations libérales ont mieux compris que nous que l'État, seul, était en charge d'une vision globale et de la cohérence des choix. L'État, c'est la synthèse.

Bernard Carayon
Député du Tarn, maire de Lavaur
 

 

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